Beau comme le péché.
Quelques légionnaires, au IVe siècle après J.C., en garnison sous le soleil, sur un promontoire perdu juste avant la mer.
Parmi eux, Sebastianus, un soldat chrétien radieux comme un ange méridional, brun aux cheveux courts, qui ne se donne qu’à Dieu, et un tribun militaire païen, d’une blondeur de viking, qui le boit des yeux sans pouvoir y toucher.
La cruauté déchaînée par cette beauté intouchable, la lutte entre le profane et le sacré, l’appel de la chair et l’appel du divin.
Ouverture baroque, dans le palais de Dioclétien à Rome, avec une débauche de palette digne du Ken Russell des Diables ou du Fellini de Satyricon.
Puis départ pour le désert rocailleux au bord des flots, corps qui se dénudent lentement, sensuellement, au fil du film. Moments d’anthologie et de grâce, dedans et dehors : une grotte devenue thermes pour de fins muscles garçonniers qui se lavent, se rasent, s’enduisent et se contemplent ; un ralenti plus brûlant que le soleil méditerranéen sur deux baigneurs de l’éden antique qui se caressent dans des éclaboussures de vagues, en giclées lentes de sperme bleu, sur des corps fugitivement offerts, ouverts, de vrais chromos de porno tendre. Le rêve impossible passe sous les paupières du tribun. Dans la lignée de celui que nous offrait, en 1974, Christopher Larkin dans son film Une chose très naturelle.
Mais nous sommes en d’autres temps. Au bout du désir inassouvi devenu emprise de passion incandescente, vient la male et mâle joie de mettre Sébastien à la torture, la cambrure du supplicié transpercé de flèches aussi parfaitement dessinée que le profil des archers qui le mettent à mort, je te désire, je te tue, j’aurais voulu te traverser tendrement d’amour, je te traverserai cruellement de flèches, sous le soleil !
Un orgasme en coulures de sang, sous le pinceau charnel de Derek Jarman, entre la mer et les os nus des rocs.
Et oser une V.O. à l’antique… comme si l’on y était ! Poème pictural, porté par les bruits et les sons de la nature, sonnailles, cigales, vent… ,porté par la musique sensuelle et funèbre tour à tour de Brian Eno, porté par l’usage inouï de ces dialogues en latin : tout dans Sebastiane accentue l’effet d’un étrange cérémonial, voluptueux et sauvage.
Messe de la chair divine martyrisée.
La Collection Images d’ErosOnyx va s’enrichir en novembre 2013 de l’étude de ce film par Didier Roth-Bettoni, orfèvre en la matière.
Sous un des rabats du livre, comme pour les autres ouvrages de la collection, on trouvera le DVD du film, avec, pour la première fois depuis sa sortie en salle, un sous-titrage français !!!