Brigitte Fontaine, dans son dernier album, « J’ai l’honneur d’être » (septembre 2013) nous offre une chanson pas simple, une belle coupe de poison à sa façon.
LES HOMMES PRÉFÈRENT LES HOMMES
C’EST TANT PIS POUR NOS POMMES
(…)
LES HOMMES PRÉFÈRENT LES HOMMES
C’EST TANT PIS POUR LEURS POMMES
On le sait, elle le chante et le vit depuis toujours :
J’aime les avis
Les moins partagés
J’aime les orties
Les ronces les fées
Brigitte Fontaine n’a jamais fait dans le cucul convivial, dans la bien-pensance. Elle est fille de Lilith et de Maldoror. Elle chante ce qu’elle a dans le sang, et c’est toujours si fort, de musique et de mots, que c’est à méditer. Dans la lignée du livre « La maladie de la mort » de Marguerite Duras et du film « Anatomie de l’enfer » de Catherine Breillat, elle verse, dans son album J’ai l’honneur d’être, aux hommes qui préfèrent les hommes, une étrange gorgée de diamants noirs pilés, une déclaration d’Amazone. Les hommes préfèrent les hommes, c’est une chanson étrange, au vitriol, libre, femme, saignante de phantasmes qui sont une caricature inspirée de la noire galaxie de la baise entre mâles ! Hommage ironique à ces super-mecs, sans une once de féminité, cruels, repus de guerre, de sang et de cul ?
Agacée aussi par la « rhinocérite » à la Ionesco du mariage pour tous, Brigitte ? Peut-être… et c’est son droit, elle qui aime l’émotion à vif de l’homosexualité. On entend beaucoup de non-dit, dans la fureur stylée de cette chanson troublante, comme un grief des femmes aux hommes qui se passeraient désormais d’elles. C’est comme si elle nous disait : « Allez ! les homos, vous rangez pas trop dans votre ghetto ! N’oubliez pas La non demande en mariage de Brassens ! Vous coupez jamais du cœur, des tourments, des déchirures et des sanglots d’Éros ! Elle n’a pas oublié les combats des années 70, Brigitte Fontaine, où les homos scintillaient de leur marge à vif, entre les cuirs et dentelles du film Pink Narcissus de James Bidgood et les récits de chasse amoureuse de Tricks de Renaud Camus… Mais qu’est-ce que vous allez foutre de l’hypocrisie du mariage ? Comme si la chanteuse-Pythonisse craignait, avec son humour toujours, que le mariage pour tous n’accroisse la guerre des sexes, « l’ère du verseau… chez les barbeaux. »
Écoutons surtout ses vers de Pythonisse sibylline :
Les hommes préfèrent les hommes
Ils s’entrebaisent comme
Les bijoux de la reine
Dans le coffret d’ébène
Même chez les truands
On les voit dans le sang
Agitant leur sacrum
En hommage à Sodome
(…)
Éros en a assez
Des vamps et des poupées
Il lui faut un grand nombre
De dards et d’œillets sombres
De muscles et de poils drus
De violence et de cul
Puisqu’ils sont tous pédés
Songeons à nous armer
(…)
Moi, Brigitte, quand il a cette gueule, ton cri du cœur, ton cri de guerre, je me sens homo et pas maso en aimant ta chanson car je sais que ce n’est pas des homos Pierrots que tu parles mais d’un cauchemar de nuit des Longs Couteaux, d’une backroom chez Barbe-Bleue, qui deviendraient poème par tes mots !
Pierre Lacroix, automne 2013