Réduire le fist fucking à la violence du « poing » est un contresens, dit le prière d’insérer du livre de Marco Vidal, nom de plume d’un professeur de philosophie qui s’est fort documenté sur le sujet de cette pratique sexuelle moderne. « Le plaisir civilise la main pour mieux réinvestir les puissances imaginaires du corps dans une union improbable qui pourrait bien aussi s’appeler « amour ». »
Le fist passe pour une invention sexuelle du XXème siècle. Possible, mais pas sûr. Pratique assez répandue ou du moins connue chez les gays masculins, mais que l’on trouve également chez les lesbiennes et hétérosexuels, car le fist peut être aussi vaginal. Lars von Trier dans le chapitre 6 de Nymp()maniac, film si singulier et audacieux, intitulé « L’église d’orient et d’occident (le canard silencieux) », l’illustre expressément sous le nom de « Silent duck » (le film est en anglais) en la personne de Joe interprétée par Charlotte Gainsbourg, démonstration à l’appui. Elle serait née en Californie dans les années 60 et de là se serait étendue à tout le continent nord-américain avant de passer en Europe. Mais Marco Vidal qui dans son livre en décrit les modalités et en recherche une trace historique, n’assure pas que cette pratique soit, comme l’a déclaré Michel Foucault, la grande invention sexuelle du XXème siècle. Pourtant, ni témoignage écrit ni représentation graphique n’indique quelque trace que ce soit de cette pratique dans l’histoire, alors qu’elle est finalement si simple, contrairement à toutes les « perversions » possibles que l’on connaît dans les différentes civilisations. Marco Vidal évoque l’empalement et Sade, mais pour en écarter toute similitude de sens, car le fist – quelquefois dénommé « handballing » ou traduit sans succès en français par « poinglage » – n’a qu’un très lointain rapport avec les pratiques SM, s’il en a un tant soit peu. Signalons ici que l’auteur relève et commente dans son livre, sur deux pages, l’apparition pour la première fois dans le cinéma français, de la pratique du fist dans le film de Philippe Vallois, Johan, mon été 75, film sorti en 1976 mais amputé de cette scène et de quelques scènes d’érection que l’on retrouve dans le DVD publié depuis. Signalons aussi que le cinéaste a publié chez ErosOnyx Éditions un ouvrage intitulé La Passion selon Vallois dans lequel il rappelle les circonstances du tournage de la scène du fist et l’optique dans laquelle il l’a insérée.
Le mérite de l’auteur est de lier le fist au plaisir, à un plaisir très particulier, à un acte de tendresse, à l’amour, qui est le dernier mot du livre (l’avant-dernier en fait). Si la main peut tuer, elle peut aussi, et c’est là tout l’intérêt du fist, dompter ces capacités criminelles pour n’être que caresse. « Au fond du fist, il y a un principe de délicatesse ». Le poing est sans doute violence, mais avec le fist il devient poing d’amour.
L’essai de Marco Vidal est tout à la fois historique, sociologique, médical, littéraire aussi parce que le style en est souple et personnel… C’est une histoire de la sexualité sous un angle particulier. Très documenté, l’auteur ne manque pas de donner ses sources et l’étonnement du lecteur peut être total quand il cite et commente le Cantique des cantiques :
Mon ami a tendu sa main par l’ouverture
et mon ventre était en tumulte à cause
de lui
« Mots sans origine ni passé, écrit Marco Vidal, ombre portée du désir, où brûlent le rêve de l’autre et de soi, le baiser et la caresse, la peau et les viscères, le chaste et l’impur : inimaginable et visible effraction, conjonction scandaleuse de la main et du ventre. »