Ils ne sont pas si fréquents les films qui font éclore le miracle de la rose rouge au cœur de la vie quotidienne la plus scrupuleusement dépeinte d’un milieu géographique et social d’aujourd’hui. L’avènement d’un bel amour entre hommes dans la rudesse de la montagne basque, cet audacieux mariage du réalisme paysan et du conte, c’est la grande réussite de ce premier film remarquable du jeune espagnol Roberto Caston, qui nous arrive en France début 2010, après avoir reçu deux prix bien mérités : celui des Cinémas Art et Essai européens au Festival de Berlin 2009 et celui de la Violette d’Or – oui, cela existe ! – du Festival Cinespaña de la même année.
Tout commence dans le réel le plus brut, dans un silence sans musique que le film conservera jusqu’au bout, puisque la seule vraie musique du film sera celle des cœurs et des corps accordés. Ander, la jeune quarantaine, mène une vie réglée de mâle comme les autres, dans une ferme du pays basque : double travail rude aux champs et à la ville, père mort depuis longtemps, mère vigilante mais despotique, coutumes ancestrales sur les épaules, rares échappées de plaisir pour se vider les bourses avec une étonnante prostituée, Reme, au corps généreux et au cœur immense, mère d’un enfant mélancolique dont elle attend en vain le retour du père…
Or, quelque chose vient briser cette vie figée depuis la nuit des temps : Ander se casse une jambe… et toute sa vie en sera fracturée ! Il engage un ouvrier agricole péruvien, modeste et silencieux lui aussi, mais mystérieusement seul et beau. Rencontre. Le mariage de la jeune sœur d’Ander qui va donc aussi quitter la ferme, puis la mort de la mère quelque temps après, laissent le champ libre à la montée progressive du désir le plus enfoui, le plus tabou. La transgression, évidemment, ne pourra se faire que petit à petit, dans un chassé-croisé de tendresse et de violence et dans la conquête douloureuse de la différence face à la loi des autres. Mais Ander a eu sa double visitation libératrice : celle de José, l’ange brun à la peau mate et satinée, et celle de Reme qui offrira aux deux amants sa chaude complicité de Marie-Madeleine, puisqu’elle sait toute la laideur du monde et comprend les rares et vrais appels d’amour.
Tout est fruste dans ce film, décors et personnages, rares paroles et gestes brutaux, mais, paradoxalement, un vrai cœur rouge bat dans cette brutalité. C’est de ce monde taiseux et animal que va fleurir la beauté tendre et romantique de la dernière scène : la pluie dehors, une lampe qui s’éteint dans une ferme où l’amour d’une putain et mère au grand cœur a trouvé refuge et où l’amour interdit a désormais le droit de faire son lit !