Rémi Lange annonce la sortie du Journal d’Omelette (avec dvd)

[http://livres-et-cinema.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/12/20/underground-meme-pas-mort-entretien-avec-remi-lange-et-sophie-blondy]

Dans Cinélivres, Jean-Max Méjean, du Nouvel Obs, autour de la sortie de Partir, dernier film de Rémi Lange, s’entretient du cinéma underground avec le cinéaste qui annonce pour juin 2011 la sortie chez ErosOnyx Éditions de son Journal écrit d’Omelette, à l’origine du film sorti en 1998. Ce Journal sera accompagné du dvd.

Voir aussi sur Google : « Underground même pas mort »

Ci-dessous Jean-Max Méjean

Réédition Nouvelle maison d’édition

Un nouvel éditeur Jacques Flament publie une réédition de Escal-Vigor de George Eekhoud avec une postface de Mirande Lucien, membre d’honneur de l’association Nix et Nox, auteure de la présentation et de l’établissement du texte de Nos secrètes amours de Lucie Delarue-Mardrus chez ErosOnyx Éditions, en 2008. .

Ce livre paraît dans la collection « Résurgences » des Éditions Jacques Flament, nouvelle maison qui se présente ainsi sur son site :

http://www.jacquesflament-editions.com/presentation.html :

« Cette nouvelle maison d’édition farouchement indépendante, artisanale, hors des circuits industriels traditionnels du livre, loin géographiquement du sérail éditorial parisien, dont la finalité est la réédition d’ouvrages rares et la mise à jour de voix nouvelles originales. »

Nous saluons la venue d’une maison d’édition sœur d’ErosOnyx qui elle, aussi, cherche à rééditer des ouvrages de qualité rares ou difficiles à trouver voire introuvables, à publier des voix nouvelles, quelles qu’elles soient, françaises ou étrangères, loin des préjugés et des modes, dans la ligne qui est la sienne.

Info Culture Montréal PQ

« J’ai joui ». Voilà l’épitaphe que souhaite avoir Jacques Astruc après sa mort. De là à faire le lien avec SPERME le titre de son ouvrage il n’y a qu’un pas à franchir. Le sperme qui éclabousse. Qui jute. Qui libère. Qui apporte la jouissance. Car ce que Jacques Astruc nous confie sans pudeur ni pruderie c’est son rapport avec le désir, le plaisir et le pénis, celui de jeunes gens et le sperme éjaculant. Pour lui « le sperme est vérité de vie contre la mise à mort du monde », allant même jusqu’à souhaiter une Internationale du sperme.

Ces écrits sont un immense pied-de-nez à tous ces ayatollahs de l’emprisonnement du désir et du plaisir, lorsqu’assouvi. Évidemment que ces ayatollahs se donne les plaisirs qu’ils défendent aux autres mais en dessous de la soutane. Attrait pour des fesses fermes, pour des bites turgescentes, pour des glands gonflés à bloc qui ne souhaitent et n’attendent qu’à être soulagés de la tension réfugiée dans les testicules au bord de l’explosion. La sexualité avec des mecs hétérosexuels qui ainsi « révèlent la femelle cachée dans leur corps de mâle » n’est rien moins que le rêve de vouloir changer le monde, d’empêcher que les corps de jeunes soldats ne viennent joncher les champs de bataille. Mais ce n’est qu’un souhait. Qu’un désir qui ne sera jamais assouvi.

Les Éditions ErosOnyx viennent encore une fois lancer une pierre dans la mare des bien pensant qui depuis des millénaires veulent contrôler le désir chez l’homme. SPERME est un retentissant camouflet aux coquerelles de sacristies, aux hypocrites qui se permettent ce qu’ils proscrivent aux autres. Il n’est qu’une mission sur terre : celle de jouir. Car, « entrer dans le jeu du désir, c’est admettre que l’on est soi ».
Hymne au sperme, par un fin gourmet des spermes du monde entier. Frénésie du jouir jusqu’au requiem du J’ai joui. Le saigner à blanc du plaisir partagé contre la partouze de sang de la guerre. Un « love and peace » revisité, audacieux et sincère.Ode ithyphallique et poétique à savourer par tous les spermophiles insatiables ! Nous dit l’éditeur.
Quel magnifique réquisitoire pour la récupération citoyenne du désir, du plaisir et de l’éjaculation! À lire absolument!

L’AUTEUR

Jacques Astruc est bibliothécaire à Paris. Il a déjà publié Au bord (2004) et Chambranle (2006) chez Sens et Tonka, Après le temps (2006) aux Éditions de Janus, Venin de rose ( 2007) chez Alexipharmaque.

Dans LUI magazine France, Eric Garnier écrit sur « Sperme »

Tel un œnologue qui se délecterait des saveurs multiples du sperme des hommes qu’il a sucés, Astruc emporte son lecteur dans une valse des bites qui nous laisse abasourdis. Son style poétise la beauté de centaines de garçons, d’hommes, qu’à l’approche de la vieillesse il se remémore sans nostalgie. Formidable analyste du désir, l’auteur nous propose, dans ce court essai, à travers ce parcours, une philosophie de vie passionnante et à rebours de la résignation : chapeau !

Une rencontre : le blog d’Annick Le Page

D’abord il convient de souligner le cadre exceptionnel de l’Espace des Blancs-Manteaux dans le Marais dans lequel sont rassemblés quelque 150 éditeurs prêts à vous faire découvrir leurs univers si différents. Différents, quoique… Contrairement à l’ambiance plus littérature généraliste du SIEL, j’ai trouvé dans ce salon une ambiance globalement contestataire, voire anarchiste. La poésie y est également très présente et tout ce petit monde « un peu à la marge » fait notre délice. J’ai aimé m’y immerger et vous étonnerai-je si je vous avoue y avoir fait de belles rencontres.

La première avec Yvan Quintin, des Éditions ErosOnyx Éditions, installées dans le Cantal, qui a eu l’exquise idée de rééditer l’intégralité des poèmes de Renée Vivien. L’ouvrage Poèmes 1901-1910, de 360 pages, préfacé par Nicole G. Albert, invite à une redécouverte d’une œuvre extraite de dix recueils, dont trois posthumes, où se mêlent la quête de l’amour et la nécessité de la création poétique, l’une conditionnée par l’autre. Je vais donc me plonger avec délice dans cette quête mêlée. Merci à Yvan de m’avoir fait découvrir son univers, au travers de textes anciens ou modernes, prose ou poésie. Avec cet éditeur si passionné, nous avons parlé de Virginia Woolf, de Colette et du spectacle qui lui était consacré il y a quelques jours pour sauvegarder sa maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Nous avons évoqué Camille Claudel et tellement d’autres auteur(e)s. A nos discussions pleines d’entrain s’est joint son voisin de table Jean-Claude Féray, des Éditions Quintes-Feuilles.

Continuant ma visite au milieu des ouvrages à teneur politique, philosophique, sociologique, des beaux livres et guides de voyages, des œuvres de poésie, de théâtre et les chansons révolutionnaires et de résistance, j’ai fait une découverte et une rencontre très riches : découverte de la maison d’édition suisse Pagine d’Arte qui publie des petites monographies et catalogues mariant reproduction d’œuvres et poésies, et rencontre avec sa représentante sur le stand, dont je ne connais malheureusement pas le nom mais j’espère qu’elle se manifestera ici. Nous avons échangé longuement sur l’art, la peinture, l’exposition Monet et finalement le sujet incontournable lorsque je parle d’art et de mes passions, Camille Claudel (et oui encore !). Alors même que, là sur la table, m’attendait une monographie consacrée à cette immense créatrice, préfacée par Reine-Marie Paris et présentant ses œuvres majeures, telles La petite châtelaine, La valse, Les causeuses, L’implorante ou L’âge mur, mises en valeur par des poèmes d’Octave Mirbeau, Louise Labbé et Charles Morice pour ne citer qu’eux. Ce petit volume consacré à l’élève de Rodin, et qui pour moi l’a dépassé en sensualité, est un vrai petit bijou et j’ose à peine l’ouvrir. Je vous invite vraiment à découvrir cette maison d’édition qui propose par ailleurs des collections d’écrits sur l’art auxquels coopèrent Michel Butor ou Yves Bonnefoy et consacrés par exemple à Oskar Kokoschka ou Sonia Delaunay.

Je suis donc ressortie de cet Espace en emportant avec moi Renée Vivien et Camille Claudel… du bonheur mis en pages… et le souvenir de belles rencontres avec des éditeurs passionnés avec lesquels j’aurais plaisir à discuter à nouveau de l’art sous toutes ses formes.

www.annicklepage.com

HOMMAGE A L’HOMME BLESSE : ce fut un coup de coeur en 1983… et puisque Patrice Chéreau nous a quittés le 7 octobre 2013

On est on ne sait pas où. L’action a lieu un peu le jour, souvent la nuit. C’est la saison des orages, d’un orage qui n’en finirait pas d’éclater pendant tout le film, et qui attendrait la fin pour planter son éclair de feu et de mort.

Il a dix-huit ans à peine, le garçon au cœur du film. Tout beau, tout neuf, tout pur, craintif encore et déjà matou, avec le besoin de sortir dans le noir, en chasse, en mal de baise et d’amour à la fois. On le sent dès la première scène, dans sa famille il étouffe. Dans la salle d’attente d’une gare où il faut tuer le temps, il échappe aux regards couveurs de sa mère. Guidé par un drôle de type en maraude, il descend aux toilettes. Et là, au fond d’un couloir, devant un distributeur de boissons, son destin l’attend. Son destin, il est brun, de dos pour le moment. Sans se retourner, sans même apparemment l’avoir vu, il demande au jeune : « T’as soif ? ». Puis il se tourne, le fixe, lui tend une bière. La trentaine. Yeux verts. Fendus très longs par des comprachicos qui y auraient mis de l’absinthe vive. Une gueule taillée elle aussi au cran d’arrêt. Barbe de plusieurs nuits à rôder. Juste ce qu’il faut de muscle maigre sous un jean fatigué, une veste d’un bleu gris froid, un tee-shirt pas net mais assez blanc pour aller avec les dents, un tee-shirt longtemps porté, devenu amoureux de la peau qu’il habille. Cette bière tendue, c’est le philtre des amants qui les mènera à l’amour dans la mort.

Avec L’homme blessé, on va du réalisme au mythe, constamment. On est dans un Tristan et Iseult des pissotières, entre un marlou gigolo qui ne peut vivre son penchant pour les hommes mais qui allume partout des étincelles chez les hommes et les femmes qui se prennent à sa dégaine de félin brun, et un petit mec, encore puceau, touchant d’ardeur et de candeur, en quête du bel amour, du vrai, total et sans issue, et qui le trouve là, yeux de loup, peau pâle et poils noirs, dans ce paradis de crasse des toilettes laissées aux pédés, sur fond d’émail blanc et de murs lépreux, dans la nuit saignante de néons où traînent tous les blessés d’amour, les durs et les tendres, tous les hiboux qui n’ont pas droit au jour et qui en sont venus à aimer ça. Pas de répit pour le matou en mal de loup.

Durant tout le film, il y a une lame de couteau entre eux, comme le glaive de la forêt du Morois entre Iseult et Tristan. Le gigolo est rompu à toutes les félonies mais il garde encore des traces d’un mal de tendresse enfoui sous des couches et des couches d’âpreté, comme un vieux fond de braises qui ne peuvent pas mourir, sans jamais pouvoir réchauffer ceux qui s’y frottent. L’adolescent est tout feu tout flamme, prêt à tout, pour ce premier amour, à s’ouvrir le front à un punching ball de fête foraine, à voler, à tapiner et à tuer. Et pourtant, l’amour qu’il vivra avec son beau voyou se fera longtemps dans le virtuel : c’est par exemple une pipe que le loup Mezzogiorno imposera au matou Anglade, devant un client qui aime mater, mais une fausse pipe que l’amant aussi convoité que lointain se fait à son propre pouce, pas une vraie pipe scellée entre muqueuses, dans la chaleur de la salive et du sperme. Amour voué à rester vierge, à caresser des yeux le sexe entrevu de l’autre, à accepter le cadeau d’un couteau, tendresse de loup justement, à aimer porter les fringues de l’autre, un peu de la chaleur de sa peau, jusqu’à ces vraies caresses volées à son corps drogué… avant strangulation.

« Je te hais d’amour » et nous mourrons ensemble . Un Tristan et Iseult, mais entre hommes et à la Genet. Tu m’as blessé de ma première estafilade d’amour et je te tuerai pour te garder à moi. L’homme blessé de Patrice Chéreau est un poème brut de passion qui monte sur fond de nuit, de carrelage de latrines et de néons, dans ces marges où l’interdit fait que les adolescents blessés ne peuvent que tuer leur amant de rêve, pour pouvoir enfin gicler chaud à deux et donner le seul baiser possible, celui de la mort.

Pierre Lacroix

LE CONDAMNE A MORT de Jean Genet, dit et chanté par Jeanne Moreau et Etienne Daho

Le condamné à mort n’en finit pas de vivre et d’inspirer. Cent ans exactement après la naissance de Genet, voici un bel hommage à celui qui reste fascinant et maudit. Sur le canevas musical, désormais classique à notre oreille, d’Hélène Martin, inoubliable depuis 1962 par sa pureté et sa sensibilité amoureuse au poème de Genet, les voix de Jeanne Moreau et d’Etienne Daho, après Marc Ogeret en 1984, viennent aujourd’hui offrir un nouvel éclat à la toujours hallucinante et bandante perle baroque de ces vers.

Au départ, Le condamné à mort est un long poème d’amour impossible et radieux, onirique et charnel, entre deux parias, deux âmes frères dans la crapulerie, l’amour des mâles, la pureté des anges du péché, de la prison et du crime. Une longue érection lyrique de quatrains d’alexandrins, parfois débordés par un vers de six pieds.

Le poème fut écrit en prison à Fresnes en 1942 par un détenu pour vols de livres à répétition, Jean Genet, et dédié à la mémoire de Maurice Pilorge, condamné à mort pour le meurtre de son amant, et exécuté le 17 mars 1939 à Saint-Brieuc : c’est une magistrale et inouïe entrée en écriture.

Tout laisse à penser que les deux hommes ne se sont jamais vus. Une seule photo de « l’assassin de vingt ans » a pu déclencher la transe de désir et d’admiration, le rêve de fusion des corps et des âmes, l’effusion de ce « chant d’amour » d’un voyou pour un autre voyou passé à l’acte du crime, comme liés tous deux par le sang de la décapitation, cet amour qui fait de Pilorge un « archange » … « digne, par la double et unique splendeur de son âme et de son corps, d’avoir le bénéfice d’une telle mort. », pour reprendre la dédicace de fin du poème de Genet.

Le condamné à mort est une longue éjaculation de vers, d’illuminations éclaboussées :
cercle des anges autour de l’ange victime, cercle des « matelots musclés » préparant leur chibre « qui meurt d’enculer la plus tendre et douce des fripouilles », chant de tous les éléments de la création, minéraux et végétaux, autour du corps magnifié de l’amant christique et bien monté, « couronné de lilas… et d’épines du rosier », tirant de son « froc réséda » « ces lourdes fleurs dont l’odeur me foudroie ». Le monde entier bande pour le Jésus du crime. Les mots crus sont pris comme mica luisant dans le granit des vers. La majesté des alexandrins et des visions cosmiques, marines, stellaires, rehaussent l’obscénité devenue bijou sur les griffes des vers mélodieux et incantatoires comme une prière. Le sexe sublimé par son impossible réalisation prend le goût de l’infini.

« Mon Dieu je vais claquer sans te pouvoir presser

Dans ma vie une fois sur mon cœur et ma pine ! »

Rebelle tendre et mystique, au delà de tous les interdits : au bout du sexe il y a Dieu et Dieu dort dans les « lourdes braguettes ». Chez Genet, on se fait l’amour jusqu’à « enculer les âmes » et « emmancher les cœurs ».

La mise en musique et chant par Moreau et Daho, sur la partition d’Hélène Martin, est un écrin d’amour pour ce joyau de marlou iconoclaste et sacré en même temps. La musique ne tue jamais les mots. Les arrangements musicaux soulignent les roulements de tambour de l’exécution et les battements de cœur en crescendos de cordes pincées. La voix de Daho est devenue grave, avec ce rien de gouaille qui la rend chaude. La voix de Moreau nous fait retrouver celle de la Lysiane du bordel de marins qu’elle interprétait déjà, dans le Querelle de Fassbinder, en 1982. Elle prend les mots de Genet dans ses buissons de ronce, sans rien perdre du marbre solennel de sa diction. Leur condamné à mort est, sur les pas de velours et de braise de celui de Genet, gorgé du sang d’amour et de mort d’un cou d’ange tranché, beau et poignant « à faire pâlir le jour ».

François Gaspar

L’ARBRE ET LA FORÊT, Ducastel et Martineau, 2010 : à voir

Ducastel et Martineau ont le courage de regarder les gouffres en face et d’en faire un film pudique, sobre, tout de retenue, pour mieux permettre de dominer les gouffres, comme, dans le film, la contemplation quotidienne d’un bel arbre a permis à un homosexuel du camp de concentration du Struthof, en Alsace, d’échapper à la mort, jour après jour, de continuer à supporter de vivre face à l’horreur et puis, un jour, de retrouver le goût de vivre.

Il faut saluer le courage de ce couple cinéaste, Harmodios et Aristogiton de la pellicule, d’avoir résolu de continuer à faire entrer à leur façon le grand public dans la découverte de ce qu’encore aujourd’hui tant de gens refusent de croire : oui, on a arrêté et tué des homosexuels, pour la seule raison qu’ils étaient homosexuels, tué à petit feu ou dans la plus exorbitante des cruautés, en Allemagne d’abord et puis en France, quand les nazis y ont pris le pouvoir de 1940 à 1944. Au départ, Ducastel et Martineau ont lu le bouleversant témoignage recueilli par Jean Le Bitoux : Moi Pierre Seel, déporté homosexuel, paru chez Calmann-Lévy en 1994. Avant eux, Martin Sherman en 1979 avait créé sur le sujet une pièce intitulée Bent, avec Richard Gere, rôle repris par Bruno Cremer à Paris en 1982 et portée à l’écran par Sean Mathias en 1995 (disponible en DVD). Ensuite, Christian Faure en avait tiré un film, diffusé sur France 2 en 2004, avec pour titre Un amour à taire, une réussite. Ducastel et Martineau décident aujourd’hui de reprendre le sujet à leur manière, en imaginant une autre moyen de survivre pour un Pierre Seel qui deviendrait sylviculteur, marié, père de famille, poignant et déchiré jusqu’à son dernier souffle sans doute, mais vivant.

Il faut le préciser tout de suite : le personnage central du film est interprété par Guy Marchand, remarquable, sensible et écorché, comme le connaissent déjà ceux qui l’ont vraiment regardé et écouté, un Guy Marchand aux antipodes de son rôle dans le Loulou de Maurice Pialat où la douleur de son couple raté lui faisait traiter le Marais de « quartier de pédés », un Guy Marchand jouant un homme apparemment gâté par la vie mais qui ne peut supporter aucune forme de mensonge, aucune trace d’hypocrisie. Et c’est sur un mystère que le film commence : un père n’a pas voulu se rendre aux obsèques de son fils. Dans le climat lourd après l’enterrement, dans la belle demeure, il y a ce secret de famille, ce cadavre dans le placard qui pèse. Il y a ceux qui comprennent, ceux qui refusent de comprendre et ceux qui essaient de chercher à quoi peut bien tenir cette apparente monstruosité. Lentement, subtilement, élégamment, Ducastel et Martineau lèvent le voile sur ce secret : c’est la monstruosité bien réelle de l’Histoire qui explique l’apparente monstruosité de cet homme. Sa vie, il la doit à sa force de vieux chêne face à la tempête et à la compréhension de quelques êtres vrais, sensibles, autour de lui. L’arbre cache une forêt de gouffres que le personnage central ne peut encore supporter qu’en écoutant en sauvage, à tue-tête, Wagner, sa puissance, sa violence musicale : elle lui permet l’ascension, l’échappée aux précipices, parce que l’Allemagne, c’est aussi ce souffle de vie, ce romantisme au delà de l’obsession des noires forêts et des charniers. Françoise Fabian et Catherine Mouchet, respectivement épouse et belle-fille du sombre héros central, ont l’une l’amour grave et l’autre le détachement tendre qu’il faut pour comprendre et aimer toujours.

Pudeur de la compassion au-dessus des gouffres, c’est la qualité de ce film et le choix très maîtrisé de ses metteurs en scène. L’horreur n’est pas montrée comme dans Un amour à taire, cité plus haut. Le Struthof n’est vu que de l’extérieur, plus d’un demi-siècle plus tard, sans « flash back ». On pourrait qualifier cette approche de bourgeoise, de trop éthérée, de sublimée. Mais il y a plusieurs manières d’être devant le choc atroce de l’Histoire, de le regarder en face, de le dire, de le filmer. Ducastel et Martineau ne sont sans doute pas, selon le mot de l’éditeur Carlotta, « enfants de Salo » comme le fut Pasolini dans son dernier film. Mais ils sont bien enfants de l’horreur et osent à leur façon la dire, la dominer, la faire connaître, pour que jamais elle ne revienne. Les cinéphiles choisiront, mais ce qui est beau chaque fois, c’est l’ardeur de ne pas éluder, le besoin d’exorciser.

Des Nouvelles d’Eros, vues du Luxembourg

Deux mille ans d’anti-érotisme chrétien ne sont pas parvenus à bout de l’érotisme. Bien des auteurs pratiquent avec talent cette littérature. ErosOnyx Éditions publie un recueil collectif sous le titre de Des nouvelles d’Éros. Toute mon admiration aux textes de Jean-Michel Fordini, Barbara Y. Flamand, François Mary, Lydie Chérel et Olivier Courthiade. Beaucoup de bonheurs de lecture dans ce recueil.

Jean-Michel KLOPP