Marie France, c’est l’esprit de parfum de la chanson française.
Quand on l’a vue la première fois dans Barocco, le film de Téchiné sorti en 1976, elle marchait et chantait le long d’une piscine dans un cabaret-restaurant entre Amsterdam et Hollywood. Elle mêlait déjà le scintillement de sa robe fourreau au scalpel de paroles terribles sur le jeu de miroirs des faux-semblants de l’amour : « je me vois me voir … tu me vois me voir … je m’aime … je me vois te voir … tu te vois te voir … tu t’aimes … on se voit se voir et se voir c’est savoir qu’on s’aime… » C’était chic, chaud et froid, triste et beau à en pleurer, comme Isabelle Adjani le faisait d’ailleurs !
Depuis, elle n’a pas cessé de troubler en douce un public de fidèles enamouré(e)s à qui elle donne, de temps en temps, un rendez-vous d’amour dans une salle intime ou sur les plages d’un disque confidentiel.
Marie France se déguste avec les yeux, comme les chromos de Pierre et Gilles qui ont su croquer ses facettes de sphinge. Marie France se savoure avec les tympans, et quel empan ! Elle sait marier la chanson à texte et la chanson haute-couture, la cavalcade de saloon et le murmure sucré, le rock et la ballade, le coquin hyper sexe et le mélo du blues. Elle fut Marilyn à l’Alcazar dans les eighties et tout récemment Bardot aux Trois Baudets retrouvés. Chaque fois, on n’est pas au musée Grévin, c’est l’esprit de parfum de ces femmes qu’elle réveille. Et cette étoile de chair ne craint pas de descendre parler et boire un coup avec son public après chaque spectacle.
Telle la Sidonie de Charles Cros réveillée par B. B. et qu’elle susurre exquisément à son tour, comme à sa toile l’araignée, elle vous prend à ses cheveux blonds comme guêpes et frelons, elle vous prend avec ses mots de chanteuse de plus en plus diseuse au fil des disques et des récitals, elle vous prend avec son corps de femme tellement femme et son art de filer des frissons avec des mots cousus pour et sur elle . Il faut acheter ses disques précieux, se laisser aller par exemple sous Le soleil de son dernier album « Marie France visite Bardot » ou rouler dans les frissons de la chanson « Bleu » du disque précédent « Phantom » …
Marie France est un bijou qui a du cœur.
Pierre Lacroix, Noël 2009