Dans YAGG le 23 juin, sur le recueil de Kent Neal

La Boussole, le Labyrinthe et le Sablier, Kent Neal,

EroxOnyx Éditions , 83 p., 19 €.

La poésie est trop souvent vécue comme hermétique et inaccessible. Kent Neal, Lyonnais natif de l’Oregon, donne à lire des poèmes simples et sobres, où il décline l’amour des garçons sur fond d’informatique…

«Là / au coin de la rue / il y a un garçon / qui attend une paire de lèvres / de lèvres / prêtes / à explorer / les collines / les bois / et les péninsules/ de son corps / Es-tu prêt à devenir explorateur / ce soir?» ou ceci: «Alchimiste / aux yeux de bronze / transforme en or / mes week-ends de plomb»… Un peu alchimiste, Ken Neal !

EG

à Lyon au Korova Bar le mardi 2 juin 2015 à 19 heures

Kent NEAL a publié son premier recueil de poèmes intitulé La Boussole, le Labyrinthe et le Sablier paru en mai 2015.

La soirée de lancement du livre se déroulera au Korova Bar à Lyon le mardi 2 juin 2015 à 19 heures.

Kent Neal est un poète franco-américain, qui écrit en français sur le désir, sur l’érotisme, sur la nature et sur les répercussions des nouvelles technologies sur les relations humaines.

Kent aime bien explorer des différentes formes poétiques, dont le haïku. Il a fait publier des poèmes dans plusieurs revues littéraires.

Citation préfére de Kent NEAL :

« La vie n’est supportable que si l’on y introduit non pas de l’utopie mais de la poésie ».

-Edgar Morin

Mercredi 17 juin 2015, à 19 heures

Xavier Bezard parlera de son roman GUSTAVE qui nous fait plonger dans l’œuvre du peintre Gustave Caillebotte

Librairie Les Mots à la Bouche

6 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie 75004 Paris

Tél. 01 42 78 88 90
www.motsbouche.com

Coup de coeur des bibliothèques de la Ville de Paris

Nombre de toiles du célèbre peintre Gustave Caillebotte (1848-1894) représentent des corps masculins nus, hommes à leur toilette, rameurs canotant sur la Seine ou ouvriers en plein effort. Ce roman explore les mystères d’une personnalité d’artiste complexe, qui inventa le « modernisme » en peinture. Sa fusion avec son frère Martial sera troublée par une passion homosexuelle avec l’inventeur du… négatif photographique.

Gustave découvrira l’envers inconscient de son art et finira par assumer une bisexualité épanouie, vivant conjointement avec sa maîtresse et son amant, dans une haute société parisienne Fin de siècle fascinée par toutes les expériences nouvelles, autant que terrorisée par tout scandale de mœurs.

Un roman passionnant, qui reconstitue l’effervescence artistique du temps, entre vastes appartements haussmanniens, régates à Argenteuil et débats passionnés entre Monet, Degas, Renoir et les frères Caillebotte au Salon des Indépendants.

Jacques Astruc

Gustave de Xavier Bezard dans le JOURNAL DU CENTRE

Professeur d’arts appliqués au lycée professionnel, Xavier Bezard est un passionné d’art, de l’histoire de l’art et amoureux de la langue française. Il vient de publier son premier ouvrage Gustave, « une biographie fantasmée », dit-il, du peintre Gustave Caillebotte (1848-1894), auteur des célèbres Raboteurs de parquet du Musée d’Orsay à Paris. Un tableau qui, à l’époque, a fait grand bruit (*).

Si Gustave Caillebotte est peu connu à l’époque, c’est parce que « la peinture impressionniste était considérée comme vulgaire et mal peinte », confie-t-il.
Une vie privée pleine d’ombres

Le roman Gustave n’est pas une biographie exhaustive, d’autant que sa vie privée est pleine d’ombres. C’est sur ce mystère que s’appuie l’auteur avec l’objectif, non de percer des secrets, mais plutôt de laisser-aller son imagination, d’après les émotions ressenties par sa peinture.

À l’inverse de Degas, fasciné par les danseuses d’opéra en tutu, Caillebotte a privilégié le masculin, le bourgeois, l’homme du peuple, l’ouvrier au travail. « Il peint les hommes de manière troublante. Sa peinture est chargée de sensualité masculine. » Le professeur a été attiré par ce personnage, car « c’est un être compliqué, riche mais humble, soucieux des autres. Provocateur mais discret, il ne s’est jamais affiché comme homosexuel. Aucun de ses tableaux ne figurait dans le legs qu’il a fait à l’État ».
C’est avant tout une histoire d’amour

« Ces raboteurs de parquet, ces hommes en train de ramer, de plonger ou sortant du bain, dégagent une troublante sensualité, comme si le peintre avait instillé du bout de son pinceau, le désir qu’il ressentait pour ses sujets. »

Gustave, c’est avant tout l’histoire d’amour d’un narrateur imaginé par l’auteur et de Gustave Caillebotte. En toile de fond, les grandes périodes de la vie de l’artiste. Son implication dans le mouvement impressionniste, sa désaffection de la peinture ses passions, sa rencontre avec Charlotte. À cette vie en perpétuel mouvement, Xavier Bezard a imaginé un amant comme point d’ancrage, duquel on est invité à partager les doutes, les souffrances et les exaltations.

L’ouvrage a demandé plus de quatre ans de travail. Il vient de sortir aux Éditions ErosOnyx, une maison du Cantal, dirigée par deux professeurs de français, « qui m’ont demandé un énorme effort sur la langue ».

(*) Ami d’Auguste Renoir, cet artiste, très généreux, a porté la mouvance impressionniste, il a aidé ses collègues et s’est constitué une impressionnante collection qu’il léguera à l’État. Après une querelle avec Degas, il se tourne vers le yachting et se met à construire des bateaux innovants sur lesquels il remporte de nombreux trophées.

Jean-Bernard Pardieu

Un professeur de cinéma de City University of of New York s’intéresse à JOHAN (1976) de Philippe Vallois.

Dans Camera Osbcura 84, vol. 28, n° 3, David A. Gertsner analyse le rôle déterminant du deuxième film de Vallois dans la révolution du désir homosexuel des années 70. Le souffle rapporté d’un voyage aux USA fait entrer la libération à laquelle le cinéaste a assisté là-bas, dans le « placard » français de l’été 1975.

Pour la première fois un artiste ose montrer le quotidien d’homosexuels épanouis et insérer dans son film documentaire en noir et blanc des scènes de fantasme en couleur où la peinture et surtout la danse tiennent une place prépondérante. Vallois lie le spectacle d’une « pornographie anale » assumée à une esthétique qui ne contraint plus le désir, mais le libère comme Serge Diaghilev et Isadora Duncan ont libéré le corps par la danse en leur temps.

Johan a son rôle dans le dépassement de l’universalisme français d’après 68 : il nous fait passer de la sublimation coupable à la réalité désormais visible d’un désir homosexuel à la fois vécu et chorégraphié, jusqu’à la drague dans les ‘’tasses’’ de Paris…

On pourra lire son article en anglais en cliquant sur le lien info document ci-dessous.

David A. Gerstner is Professor of Cinema Studies at the City University of New York’s Graduate Center and College of Staten Island.

Parmi ses ouvrages, nous relevons Queer Pollen: White Seduction, Black Male Homosexuality, and the Cinematic (2011) .
Il achève actuellement un ouvrage sur le cinéaste Christophe Honoré.

IMITATION GAME, à voir

CONTE CRUEL

Au début du XVIIème siècle, Galilée fut persécuté par le Saint-Office (nom élégant du Tribunal de la Très Sainte Inquisition, hystérique émanation de l’Église catholique romaine) pour avoir démontré ce dont Copernic avait eu l’intuition : le principe de l’héliocentrisme (c’est la Terre qui gravite autour du Soleil, non l’inverse, comme le soutenait l’Église). Galilée, tendez l’oreille, fut contraint de se rétracter.
Mais c’était il y a quatre cents ans, piafferont les obstinés, qu’ils soient savants ou innocents ! Tout cela est révolu !
Que ces obstinés fassent l’effort de se documenter. Ils découvriront qu’au XXème siècle, dans un royaume situé en Europe, un esprit brillantissime, un génie aux dires de tous, fut poussé au suicide par le système politique et moral en place. Le pape n’y était pour rien, cette fois, mais peut-être que l’Église anglicane ne valait pas mieux. Avait-il mis en doute que les dynasties royales fussent de droit divin ? Même pas. Son seul crime était d’être homosexuel.
Le film émouvant et captivant, Imitation Game, de Morteh Tyldum, d’après le roman d’Andrew Hodges, sorti en France en janvier 2015, retrace un épisode de la vie de ce fameux mathématicien, Alan TURING (1912-1954), qui mérite le double titre de héros et de martyr.
Née de sa seule intelligence, une machine a permis de décrypter Enigma, le code secret utilisé dans leurs transmissions par les Allemands, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il est admis que cette invention d’Alan Turing a permis d’écourter la guerre de deux ans au moins. Imaginez combien de victimes furent épargnées grâce à son génie mis au service de l’Humanité.
Il faut voir dans l’aboutissement de ses travaux les prémices de l’informatique moderne.
Bien sûr, penserez-vous, un tel homme fut couvert d’hommages, de décorations, on lui décerna même un prix Nobel et le monde entier lui fit honneur. Eh ! bien, non, la réalité fut tout autre : en 1952, il fut condamné pour homosexualité et le verdict lui laissa le choix entre la prison… et la castration chimique.
On comprend mieux, sans doute, pourquoi la Grande-Bretagne conserva pendant cinquante ans la contribution de Turing au décryptage d’Enigma comme secret d’État.
De quoi avait-elle le plus honte ? Que l’un de ses grands hommes, un savant, ait été homosexuel, ou qu’elle l’ait condamné avec barbarie ?
Alan Turing se prêta à la castration chimique qui lui était imposée, mais il n’a pas tenu le coup. Il opta pour la voie du suicide en mordant, semble-t-il, une pomme imprégnée de cyanure. L’histoire de Blanche-Neige, en somme, version drame, où la sorcière s’appelle, s’appelle… l’opinion publique, ou quelque chose dans ce (mauvais) goût-là. La reine lui accorda en 2013 la grâce officielle, son « pardon « , à titre posthume. Soixante et un ans après la condamnation, c’est un délai bien long pour prendre conscience d’une telle monstruosité. Perfide Albion !

N’en déplaise aux esprits chagrins qui ne supportent pas l’idée qu’il revienne à un homosexuel d’être pionnier en matière d’intelligence artificielle – l’ordinateur, pour faire simple – le logo de la firme Apple (une pomme dans laquelle on a mordu) trouverait ici son explication. Que ceux qui n’y croient pas en proposent une autre… La pomme de Newton peut-être ?
Si telle en est bien l’explication, il est capital que ce symbole perpétue la mémoire de l’une des nombreuses victimes de l’obscurantisme.

Un dernier trait, pour caractériser Turing et montrer qu’être un génie des mathématiques n’empêche pas d’être sentimental : un camarade d’école lui a inspiré une amitié très vive alors qu’il n’avait que quinze ans. Le garçon mourut trois ans plus tard de tuberculose, il s’appelait Christopher. Turing baptisera de ce nom la machine qu’il inventera par la suite.

Pour conclure, même si, en apparence, les attendus ne sont pas les mêmes, je ne crois pas inutile de citer ici des noms comme ceux de Julian Assange, Edward Snowden et Chelsea Manning (qui portait le prénom masculin de Bradley, au moment des faits qui lui sont reprochés). Ils sont ce que l’on appelle des lanceurs d’alerte, autrement dit des bienfaiteurs de l’Humanité. Pourtant celle-ci ne se soucie aucunement de leur sort, et laisse un système fondé sur une autorité arbitraire les écraser et les condamner à vivre en reclus, exilés.
Faudra-t-il aussi attendre soixante et un ans pour que leurs mérites soient reconnus ?

Un film à voir, parce qu’il donne à réfléchir !
Le film est sorti au Québec sous le titre Le jeu de l’imitation.

Alain Stœffler, qui croit toujours aux contes de Fées.

Hommage à Nagisa OSHIMA

L’EMPIRE DES SENS est un film unique. Un monument du cinéma. Un nec plus ultra de l’amour à mort lumineux, tout comme SALO OU LES 120 JOURNÉES DE SODOME de Pier Paolo Pasolini, sorti au même moment ou presque, est un nec plus ultra du désir barbare, jusqu’à la négation meurtrière de l’autre. Éros rouge, Éros noir.

L’EMPIRE DES SENS n’aurait pas vu le jour sans la rencontre de la France et du Japon, sans la rencontre d’un artiste qu’aucune censure n’effrayait à condition de faire la bonne rencontre, Nagisa Oshima, et d’un producteur inspiré, Anatole Dauman. Auteur d’une « Trilogie de la jeunesse » (1959-1960) aux titres évocateurs comme CONTES CRUELS DE LA JEUNESSE ou L’ENTERREMENT DU SOLEIL, Oshima, dès ses débuts, est le cinéaste du choc amoureux des corps fébriles, perdus entre jouissance de la consommation et nostalgie d’un âge d’or de la sexualité, définitivement mort avec l’entrée en guerre du Japon en 1942 et la confrontation ultérieure de l’idéal moribond des samouraïs à la réalité capitaliste. Témoin impuissant des accords passé entre les États-Unis et le Japon en 1960, comme en témoigne son quatrième film, NUIT ET BROUILLARD AU JAPON, c’est dans l’affirmation existentielle des individus qu’Oshima fait acte de rébellion politique et non dans l’engagement pour un parti. Marqué par un fait divers japonais datant de 1936 – la mort consentie de Ishida Kichizô par Abe Sada, mort donnée par asphyxie érotique, après des jours de réclusion amoureuse, et la joie de Sada, devant le tribunal qui la jugea, d’avoir émasculé par amour le corps inerte de Kichizo – Oshima caressait depuis longtemps l’espoir de porter à l’écran ce fait divers célèbre.

Quand Anatole Dauman, admiratif de l’œuvre d’Oshima, lui promit l’argent nécessaire à la réalisation, cela donna un film tourné en grand secret dans des studios de Kyoto, dont le négatif fut développé à Paris, dont le montage se fit au Japon, dont la sortie fut un triomphe au parfum de soufre partout ( ou presque…) dans le monde, sauf au Japon où son auteur endura un procès de trois ans. Le film, au jour où sont écrites ces lignes, y demeure partiellement interdit pour obscénité ! Ce monstre fabuleux du cinématographe, né de la rencontre inouïe de deux cultures, d’un cinéaste et d’un mécène ayant pour point commun l’audace mêlée de la beauté et de la vérité, mérite bien que l’on s’y attarde, dans les colonnes du site d’ErosOnyx Éditions, à un moment où Oshima est célébré en France par la sortie d’un copieux coffret de ses films chez Carlotta, et la sortie en copie restaurée de certains d’entre eux. Arte posède depuis quinze ans L’EMPIRE DES SENS dans son catalogue, en versions superbes, qu’elles soient en DVD ou en blu-ray. Tout est donc réuni pour que les lecteurs de ces lignes ne se sentent pas frustrés après les avoir lues et puissent trouver et admirer ce diamant noir et rouge du cinéma.

L’EMPIRE DES SENS part donc d’un fait divers pour le sublimer en un vivant tableau d’artiste où le romantisme frénétique s’allie au réalisme le plus cru. Le fait divers y est à la fois respecté scrupuleusement et transmuté par la poésie sauvage de Nagisa Oshima. Pour analyser cette ahurissante fusion du réalisme de la chair et du romantisme de l’amour fou, le lecteur trouvera, dans les paragraphes suivants, des mots, expressions et phrases entre guillemets : ils sont empruntés aux sous-titres français des dialogues, le plus souvent denses et brefs, et au rapide commentaire en voix off masculine de la toute fin du film, version brute d’un chœur de tragédie antique.

Le fait divers de 1936 est respecté en un scénario qui, d’emblée, choisit de ne porter aucun jugement moral sur la cérémonie érotique qu’il déroule pendant une heure quarante dans sa version non censurée. Nous sommes aux antipodes de la descente aux enfers de la passion dans la tradition occidentale. Réglons aussi dès maintenant la question de la pornographie qui pourrait être opposée à cette peinture sans aucun tabou d’un amour physique qui va bien au-delà de l’amour physique. Nagisa Oshima l’a très clairement rappelé, dans le plaidoyer qu’il a prononcé en 1978, lors du procès fait au film : « À mon sens, ce qu’on appelle obscénité n’existe pas originellement. Si l’on considère que l’obscénité existe, il faut préciser qu’elle n’existe que dans la tête des procureurs et policiers chargés de la poursuivre. (…) j’affirme nettement que l’obscénité ne constitue pas un délit. » Dans L’EMPIRE DES SENS, au contraire, tout de ce qui nous est montré est montrable et nous assistons à une élévation progressive des cercles de l’amour fou partagé jusqu’à une béatitude finale, elle aussi partagée.

Oshima n’omet rien de ce qui rend plausible, charnellement et psychologiquement, l’orchestration d’un fait divers en œuvre de cinéma. L’histoire de Sada Abe et de Kichizo Ishida, qui s’appellent l’un l’autre Sada et Kichi dans le film, est celle d’un coup de foudre entre deux êtres « hypersensibles » et hypersensuels. Le metteur en scène précise, tout en ménageant un flou qui rend l’intrigue intemporelle, les conditions sociales et matérielles de ce coup de foudre : Sada est une ancienne geisha et prostituée qui entre comme servante dans la maison d’une riche « patronne » : elle dispose de maintes femmes à son service pour entretenir sa belle maison et s’offre les services de Kichizo, fringant gigolo assez implanté dans la maison pour que Sada l’appelle, au début du film, « patron ». Le coup de foudre est d’emblée sexuel. Kichi est à la fleur de l’âge, déjà mûr mais toujours beau comme un samouraï glabre, peau halée et muscles fins, tandis que Sada est splendide de sa « peau de satin », de ses cheveux noirs de jais et de sa silhouette longiligne dont les kimonos de couleur chatoyante soulignent la grâce juvénile. Tous deux aiment faire l’amour et ne s’en lassent pas, reconnaissant en l’autre un corps et une fantaisie érotique à la hauteur de leurs fantasmes.

Il y a un écart d’âge entre eux, mais pas d’écart de charme ni de désir. La caméra – et cela souligne encore l’irrévérence d’Oshima devant toutes les conventions, soucieux de faire un film qui ne parle pas seulement au public masculin et de se démarquer de la tradition érotique des films japonais qu’on appelle « pinku eiga » – la caméra donc ne nous cache rien de ces deux corps taillés pour l’amour : regarder l’étreinte amoureuse, comme le dit une geisha de 68 ans à un moment du film, est un « plaisir pour les yeux », et ce plaisir doit être offert à tous les désirs, quels que soient le sexe, l’âge et les goûts sensuels de chaque spectateur. Un des premiers plans de L’EMPIRE DES SENS ne nous montre-t-il pas des enfants s’amusant à regarder, non par vice mais par curiosité d’enfant, le sexe d’un vieux mendiant ivre ? À ce clochard boueux qui reconnaît en Sada une ancienne prostituée et lui dit qu’il a encore de l’argent, Sada répondra par la compassion en lui montrant gratuitement sa toison pubienne et en caressant tendrement son gland qui reste flapi.

Le film, quand commencera le huis clos amoureux, pendant que dehors tombe la pluie ou la neige, nous invitera à tous les plaisirs interdits aux voyeurs devenus ici naturels et innocents puisque ce qui nous est montré est une des beautés de la vie, débarrassée de la pudibonderie des coutumes. Tout est longtemps plaisir de l’œil dans les corps de L’EMPIRE DES SENS : seins nacrés de Sada, pubis d’ébène sur peau d’ivoire poli de netsuké, fesses fermes de Kichi, pénis en érection érubescente longuement léché par Sada pour en extraire le lait. Pas de jaloux dans la fête des sens à laquelle Oshima nous convie ! Tous les détails anatomiques que d’aucuns pourraient juger trop crus, tant du corps masculin que du corps féminin, deviennent splendeur : un gland turgescent y prend des raffinements de bibelot de porcelaine sang de bœuf et les lèvres d’un vagin avalent un œuf dur en gros plan dans une succion de bouche gourmande… Les sécrétions intimes deviennent gourmandises, que ce soit le sperme savouré par Sada, le sang menstruel que Kichi porte à sa bouche ou la cyprine dont ils relèvent les bouchées de nourriture.

C’est que l’anatomie des personnages est constamment magnifiée par la palette d’Oshima. On se sent constamment dans un pavillon de plaisir dont les moindres détails sont embellis par un éclairage savant qui avive les teintes soyeuses des kimonos, des obis et des épingles de corail qui relèvent le noir profond des chevelures, mais qui prend soin aussi de laisser dans des éclats de lanternes japonaises la fleur des chairs jamais criblée de flashes électriques, toujours dormant dans des lueurs chaudes de voluptueux pavillon de rendez-vous. Cloisons mobiles ouvrant sur une lumière d’hiver. Rares branches coupées d’arbres en fleurs aux effet de clair-obscur. Corps allongés sur des étoffes mêlant candeur et teintes sourdes. Même l’âge s’atténue sous la caresse de la lumière douce : dans la scène où Sada offre à la vieille geisha le corps fringant de Kichi, rien de sordide, car c’est un éclairage tendre qui caresse ce corps ridé et l’extase de ce dernier plaisir estompe, dans la douceur des étoffes et les teintes de laque et de bois, la perruque tombée et le relâchement des sphincters. Tout de l’amour devient tendre quand on sait l’éclairer. Il n’y a pas de plus belle illustration que le film d’Oshima de ÉLOGE DE L’OMBRE , cet art japonais subtilement mis en lumière par l’ouvrage de Tanizaki Junichirô paru précisément au Japon en 1933. Comme cet auteur, le metteur en scène de L’EMPIRE DES SENS pourrait écrire : « Voyez par exemple notre cinéma. Il diffère de l’américain aussi bien que du français ou de l’allemand par les jeux d’ombres, par la valeur des contrastes. » Si la crudité du sexe devient bijou chez Oshima, c’est qu’il a l’art de nous placer en un lieu où, comme dans L’invitation au voyage de Baudelaire :

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

L’art aussi d’enchanter sa maison de rendez-vous, de chants et de musiques. Car la présence de geishas jouant du shamisen, d’un danseur, après la cérémonie du faux mariage de Sada et de Kichi, exécutant des pas et une gestuelle dans la tradition du bugaku devant la noce devenue orgie, la musique obsédante de cordes pincées et de flûte tour à tour, composée par Minoru Miki, tout cela participe à l’envoûtement de l’oreille comme la soie peinte des kimonos et les visages peints des geishas participent à l’envoûtement des yeux. Le fait divers se détache dans le film dans un décor de magnificence aristocratique qui n’est pas sans rappeler LE DIT DU GENJI, roman fleuve de l’impermanence de l’amour et de la beauté, écrit au Japon dans les premières années du XIème siècle. Il y a de plus un mystère que tout public autre que japonais ne peut goûter : c’est le sens des poèmes chantés par les geishas. Il a pourtant son importance puisque Kichi demande à un moment du film « quelque chose de gai » et que c’est le fond de la chanson qui doit parler de gaieté car la voix, elle, nous ensorcelle de son obsédante grâce monocorde. Ajoutons à ces envoûtements celui du saké, seul aliment des amants à un certain moment du film, comme si l’anorexie devenait philtre d’amour pour nous préparer à ce que le titre japonais du film appelle à juste titre CORRIDA DE L’AMOUR.

Car L’EMPIRE DES SENS devient lentement, inéluctablement, empire de la folie d’amour et empire du sang. Là encore, Oshima ne nous épargnera rien du fait divers mais en ménageant toutes les étapes qui feront de la cérémonie de mort non pas seulement une boucherie mais une corrida. La spirale érotique des amants qui va les conduire à l’isolement et à la transe de plaisir et de mort, est impeccablement mise en place par un scénario et des dialogues qui mêlent d’une part la vérité objective des cercles psychologiques progressivement montés par les deux protagonistes pour parvenir à un éden barbare, et d’autre part une constante sensation pour le spectateur de suivre un rituel magnifiquement orchestré par un poète du cinéma. Quitte à nous répéter, pour sonder le fascinant mystère de ce film qui ne peut qu’envoûter ou dégoûter son public, voir L’EMPIRE DES SENS nous offre le spectacle rare de la rencontre d’un romantisme absolu et d’un réalisme absolu.

La logique psychologique des amants est implacable. Leur point commun est d’être tous deux sculptés pour l’amour, serviteurs d’Éros,messagers d’un Éros universel. Ils sont faits pour se connaître au sens physique et complet du terme, se charmer l’un l’autre jusqu’à vouloir tout partager en un rapport qu’on pourrait dire ombilical et sur lequel nous reviendrons, après avoir, sur leur chemin, charmé inoubliablement d’autres êtres par leur charisme. La « patronne » de Sada est si enchaînée au corps de Kichi qu’elle lui fait la toilette après l’amour tous les matins au début du film et qu’elle finit par accepter la présence de Sada, à condition que Kichi reste dans sa maison et daigne l’honorer quelquefois de son phallus infatigable. Sada, elle, a gardé des liens avec un ancien « client respectable », un « proviseur » qui veut bien se plier aux demandes vénales et masochistes de l’ancienne prostituée, mais qui refuse de s’afficher avec elle dans la rue, car ce serait pour lui la mort sociale.

Car c’est là un autre point commun des amants et la condition sine qua non de leur “ corrida d’amour” dans une arène bien close, sous le regard d’un public effaré, tour à tour complice ou horrifié, de servantes et de geishas. Ils ont rompu les amarres avec le social et donc avec la réalité des autres. En demandant à son client « proviseur » de paraître avec elle dans la rue, Sada rompt le fil avec le monde extérieur lui-même agressif : dans les scènes de rue de L’EMPIRE DES SENS, il pleut à verse ou il neige, il faut se protéger du dehors. Une scène insolite résume aussi les relations de Kichi et du même monde extérieur : rentrant de chez le coiffeur, il croise dans la rue un déploiement de soldats. À gauche de l’image, la population semble soutenir ce déploiement de forces, tandis qu’à droite Kichi est seul, ne réalise pas ce qui se passe et ne souhaite visiblement pas savoir. Les critiques de l’époque de la sortie du film remarquent que c’est le seul moment où le metteur en scène glisse une allusion à l’histoire du Japon dans son film. Les soldats du film doivent rappeller à un public informé la mutinerie du 26 février 1936 à Tokyo, tentative de putsch militaire réprimée après quelques jours de terreur, mais Kichi marche à rebours des soldats et ne veut rien savoir de la réalité politique du monde dans lequel il vit. Le monde extérieur ne les concerne plus : à Kichi regrettant de devoir quitter Sada pour aller « pisser », Sada offre son vagin, ce qui fait sourire Kichi. Dans un autre plan, montrant le retour des amants au “colombier”, cette chambre dont ils aiment jusqu’à l’odeur forte du plaisir, Sada, la main glissée dans le manteau de Kichi, le tient fermement par le pénis, recréant ainsi d’elle à lui un cordon à ne plus jamais rompre. Le vrai monde des amants, c’est la bulle, toute d’artifice sensuel, de leur arène d’amour.

Le processus d’enfermement volontaire dans la cage d’amour est clairement montré par les fins barreaux qui se déploient sur une des cloisons de la chambre d’amour, eux aussi élégants et symboliques. C’est petit à petit une symbiose qui unit Sada et Kichi au point que le corps de l’un appartient progressivement à l’autre et que l’on pense au mythe des androgynes du BANQUET de Platon. Lorsque Sada revient de son premier rendez-vous avec le « proviseur », elle dit à celui qu’elle appelle encore son « patron » : « Tu m’as manqué. Je ne te quitterai plus. » Le pénis de Kichi, comme déjà évoqué plus haut, devient cordon ombilical entre les amants. Quand Kichi dit à son sujet : « On dirait qu’elle est à toi », Sada confirme « Elle est à moi ». Et quand Sada, vers le milieu du film, annonce déjà : « Je veux te la couper », Kichi entrevoit la fusion de leurs squelettes en une paradoxale symbiose de mort : « On s’est promis de toujours vivre ensemble. Tu fais de moi un squelette. Même squelette, je resterai avec toi. ». Sada coupe des poils pubiens de Kichi et les avale pour assimiler le corps de Kichi à son propre corps.

Autre repère dans l’isolement progressif des amants en un tout fusionnel qui les comble, la progressive montée de la jalousie et de l’obsession du sexe masculin qui retiennent Sada à la vie. La scène du faux mariage se clôt par une orgie à laquelle toutes les servantes et geishas présentes semblent avoir pris part. Dans la suite du film, plus rien ne restera de cet amour libre. Quand au retour de Sada de chez son client le « proviseur », Kichi lui demande de traiter son corps comme elle a demandé à son client de traiter le sien : le masochisme partagé permet d’échapper à la jalousie de n’avoir pas été présent aux ébats de l’autre. Sada offrira par la suite le corps de son amant à la geisha de 68 ans qui le contemple, car c’est elle, Sada, qui le décide en un geste de cadeau érotique. Kichi, de son côté, fait le serment de répéter, en toute lucidité, à propos du plaisir qu’il donne et prend encore avec la « patronne », la phrase dictée par Sada : « Je ne la baiserai plus. Sinon tu me tueras ». C’est donc bien par les sens mais aussi par l’esprit consentant au servage d’amour que Sada tient Kichi. Une scène étrange nous montre Sada jouant avec deux enfants nus, de quatre ou cinq ans, une fillette et un garçonnet. À un moment du jeu, Sada tient le sexe du petit garçon jusqu’à lui faire mal, comme si elle tenait là ce qui lui permet de supporter l’absence de Kichi. Jalousie consentie et obsession nymphomane, tant masculine que féminine, nous préparent à la mise à mort acceptée comme unique moyen de parvenir à la béatitude charnelle autant que spirituelle.

Le sang et la dominante du rouge nous prépare à la corrida de l’amour – avec cette différence de taille qu’ici le taureau et le matador sont parfaitement consentants et échangent leurs rôles au point qu’on pourrait voir L’EMPIRE DES SENS comme la corrida de deux matadors en habits de lumière, l’un féminin, l’autre masculin. Le sang apparaît avec une légère coupure près de l’oreille, que se fait Kichi au rasoir, quand il est surpris par un geste de Sada qui lui confiera par ailleurs qu’elle aime sa nuque parfaitement rasée. Un nouveau personnage apparaît alors dans le film : un couteau à la splendide lame que Sada, désormais en kimono rouge, tient parfois entre les lèvres au-dessus du corps de Kichi. Ce dernier l’appelle « poignard », s’en inquiète et s’en amuse à la fois. Le couteau dès lors ne quittera pas le tatami près des deux corps, dans le dernier tiers du film, avec l’ambiguïté de sa présence quand Sada prononce : « Je ne pense qu’à toi ». Une morsure de Kichi par Sada nous prépare à l’idée que ces deux corps magnifiques qui ne s’alimentent plus en viennent à ne se griser que de saké et de sang. La « patronne » avait déjà prophétisé au début du film : « À vous deux, vous ne mangez rien. Elle va finir par vous tuer ».

Mais, avant d’en revenir au sang, n’oublions pas une étape essentielle, comme le moindre élément de ce film construit par un naturaliste et un poète du premier au dernier plan, dans le cérémonial somptueux et sans retour possible de la corrida d’amour : la strangulation érotique. Or, à ce sujet, il convient de s’inscrire en faux contre les critiques misogynes qui n’ont cessé, depuis la sortie du film, de vouloir prouver en long et en large, que Sada était la caricature nippone de l’Ève pécheresse et tentatrice de la tradition judéo-chrétienne : dans L’EMPIRE DES SENS, c’est bien Kichi qui, le premier, suggère : « … m’étrangler me suffit. (…) Il paraît que quand on s’étrangle on jouit plus fort ». Cela commence par une pression des doigts sur le cou, puis le jeu s’intensifie. Sada ôte son peignoir violet et paraît en kimono rouge à motifs noirs et col blanc brodé, au-dessus des yeux éblouis de Kichi : « Tu veux que je t’étrangle ? » Les répliques qui suivent confirment la totale complicité des amants. À Kichi répondant : « Non, mais si ça te plaît, fais-le », Sada demande une dernière confirmation : « Dis : je le veux ». Et Kichi absout : « Je le veux ». Sada passe un foulard de soie rouge et mauve autour de la gorge de son amant. Les cuisses de Sada enserrant le pur-sang Kichi, le phallus bien droit pénètre le vagin, entre deux touffes de poils du même noir exactement, et ce phallus filmé sans trucage tient encore lieu de délicieux cordon ombilical pour les amants cadrés et mis en beauté comme dans une estampe japonaise où la réalité rejoindrait l’art. Un sein de Sada échappe au kimono rouge sous son visage pâle ombré de mèches de jais. Pour qu’elle ne s’arrête pas « au bon moment », comme il l’a imposé une première fois, Sada attache les poignets de son amant. L’extase meurtière, crimen amoris parfait, à deux peut se donner libre cours. Kichi redouble son absolution : « Mon corps est à toi. Fais ce que tu veux… Serre tout doucement ».Éclate à plusieurs reprises le cri de joie de Sada : « Je vais te tuer » puis « je te tue ». C’est à la troisième tentative que les amants ivres de saké iront jusqu’au bout, Kichi sous un jeté de lit bordé de parme, en dégradé du blanc au fauve en passant par le rose, imprimé d’ailes d’oiseaux noirs en plein vol, Sada toujours en écarlate près d’une flamme de bougie dans un svelte photophore. La caméra se place à la tête des amants, en plongée parfois, à leur hauteur souvent.

Tout se passe dans la gravité d’une joie étrange. Comme dans un accouchement où la joie l’emporte sur la douleur, comme si se donner la mort à deux dans ces conditions revenait exactement à donner la vie, accéder à une exultation de vie. Kichi accepte pleinement sa métamorphose en fœtus conscient : « C’est comme si j’étais encore en toi. Je vois tout en rouge ». Sada peut donner alors toute la tendresse de la mère qu’elle n’a jamais été : « Dors. Je reste près de toi ». Kichi, confiant, s’abandonne à cette naissance inversée, à ce plaisir de la petite mort : « Ne t’arrête pas en route. Après ça fait trop mal ». Deux scènes des trente dernières minutes de L’EMPIRE DES SENS, qui en comporte cent deux dans sa version intégrale, viennent souligner ce retour au ventre ou à l’enfance : Kichi, après avoir comblé la vieille geisha à qui Sada a fait l’offrande du corps de son amant, essuie sur ses jambes l’urine du corps qui s’est relâché d’aise et dit : « J’avais l’impression d’embrasser le cadavre de ma mère ». Or, il apprend à Sada par la suite : « J’avais trois ans quand elle est morte ». À cette confidence, Sada répond par une autre confidence : « Ma mère est morte il y a trois ans. Je ne l’ai pas vue mourir mais j’ai assisté à la mort de mon père ». Le père de Sada reviendra dans son dernier rêve, juste avant la mutilation, juste avant que Sada ne se réveille seule et que ses « Kichi-san » ne se heurtent au silence. Dans ce rêve, un père joue, dans un lieu qui ressemble à un amphithéâtre japonais, avec une petite fille qui lui crie : « Prêt ? » et à qui il répond : « Pas encore ». La petite fille dans le songe se rapproche du corps de Sada étendu nu sur un rectangle de béton gris, en peignoir blanc doublé de satin rouge. Ce réveil triste d’un rêve heureux déclenche l’acte suprême de la corrida dont Oshima ne nous cache – fait divers oblige – aucun détail de boucherie.

Le tableau final de L’EMPIRE DES SENS, son dernier plan fixe, voluptueusement très long, nous livre la quintessence de l’art d’Oshima. Splendeur luxueuse de la chambre d’amour. Splendeur du dernier kimono de Sada, rose buvard à motifs d’argent. Horreur du cadrage qui ne nous épargne, sur un tatami blanc, ni le ventre émasculé de Kichi, ni le double trophée, pénis et testicules, dans la main gauche de Sada. Douceur des mots qu’elle a écrits en lettres de sang sur le torse de Kichi : « Sada… Kichi… rien que nous deux ». Présence silencieuse de quelques mots en écho, prononcés ou écrits par les amants, juste avant la mise à mort. « C’est triste d’être seul » pour Kichi et ce « rien que nous deux » pour Sada : une clef à ce mystère qui nous laisse béants, entre frisson d’effroi et montée de larmes ? Nerf enfin de la voix masculine qui nous confirme en voix off que le conte d’amour fou et de sang que nous venons de voir est bien l’illustration d’un fait divers authentique : « Sada erra quatre jours dans Tokyo avec ce qu’elle avait tranché… À son arrestation, Sada resplendissait de bonheur. L’affaire bouleversa le Japon et valut à Sada une étrange popularité et de la compassion. Ceci se passait entre 1936 ».

L’EMPIRE DES SENS vit le jour au pays du DIT DU GENJI et du seppuku, mais avec des capitaux français et sans jamais échapper à la censure jusqu’à la date où est rédigé cet article. Il est le fruit de deux cultures qui y joignent philosophie et beauté de la transgression. Plutôt que de nous référer à Sade, Bataille et Artaud que la critique a pourtant évoqués avec justesse autour de ce film qui dérangea et fascina le public du monde entier en 1976, et comme il continue à nous déranger et nous fasciner, chaque vision ne suffisant jamais à l’épuiser, nous laisserons le mot de la fin à la véritable Sada, lors de son procès qui se termina par une condamnation à six ans de réclusion pour meurtre et détérioration de cadavre : « … jusqu’alors, je n’avais fait avec aucun homme ce que j’ai fait avec Ishida … en m’oubliant moi-même… complètement. »

Pierre Lacroix, MMXIV