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« Le Banquet d’Auteuil », de Jean-Marie BESSET, où l’on retrouve les gaillards libertins du roman de Claude PUZIN « Vies, Errance et Vaillances… « 

Nous sommes en 1670, Molière a 48 ans. Comédien, auteur, metteur en scène, directeur de troupe, il est installé à Paris depuis 1658 et connaît le succès à la Cour et à la ville. Mais la faveur royale ne le protège pas des rumeurs hostiles, surtout après le scandale du Tartuffe quelques années auparavant. N’a-t-il pas été accusé d’inceste en épousant Armande Béjart, en 1662, puisque Madeleine qui a été sa maîtresse, passe pour la mère d’Armande et que lui-même serait son père, aux dires de certains ? Armande, née en 1642 probablement, n’a que 28 ans au moment de la pièce. Jeune, coquette, volage elle excède Molière dont en outre la santé se dégrade. Les deux époux se disputent souvent et Molière préfère se retirer dans une maison à Auteuil.

Jean-Marie Besset choisit de nous montrer un Molière qui, recherchant alors le calme, voudrait aussi se consoler dans les bras de Michel Baron, jeune comédien de 17 ans, qui revenu de sa longue fugue, lui est revenu, espère-t-il. Molière est tout heureux de l’héberger, comme il héberge un ami de longue date, Chapelle – Louis-Emmanuel Luillier de son vrai nom – âgé de 44 ans au moment de la pièce, un ami de longue date, fêtard, libertin. Jean-Marie Besset n’évoque que de loin dans sa pièce le trio que Chapelle forma avec Savinien Cyrano de Bergerac et Charles Coypeau d’Assoucy, trio infernal connu pour ses mœurs et ses débauches. C’est là le sujet du roman de Claude Puzin, Vies, Errances et Vaillances d’un Gaillard Libertin. Ces deux personnages, Cyrano et Dassoucy, sont présents dans le groupe que Chapelle a invité à un banquet chez Molière. Cyrano est mort, depuis 1655, à 36 ans, mais voici qu’il revient de l’au-delà, d’entre les morts, et son fantôme facétieux se joint à la joyeuse troupe. Les conversations, les discussions, abordent des sujets divers, frôlent parfois les vives querelles de jalousie artistique et littéraire, provoquées par la vanité de l’un, l’amour-propre de l’autre, l’ambition d’un troisième tandis que le libertinage de tous ces invités ne peut s’empêcher de moquer la passion jalouse de Molière pour le jeune Baron. Dassoucy (qui a 65 ans au moment de la pièce) est accompagné de son ancien page Pierrotin qu’autrefois en Italie le duc de Mantoue lui enleva pour faire de lui un castrat : effectivement nous entendons Pierrotin chanter sur scène, non sans talent. Allusion est faite aux désagréments tels que les rapporte Claude Puzin, et que connut le trio Chapelle-Dassoucy-Cyrano, pour cause de débauche, de blasphème et de sodomie. Dassoucy fit même de la prison à Montpellier : «... en quelques jours, de poète et musicien, je devins non seulement faquin, pitre de quintaine, mais encore sorcier, magicien, satyre, garou, incube...» ( Claude Puzin, p. 44) et plus tard à Rome, pour les mêmes raisons. Tous les personnages, à l’exception de Molière, sont dans la pièce de fervents pratiquants de l’amour des garçons. Molière, lui, par amitié se tait, tout à son inquiétude amoureuse pour Baron.

Conversations animées, en particulier sur les mérites physiques des plus jeunes convives, amants des uns ou anciens amants, ou en passe de le devenir pour d’autres jusqu’au moment où apparaît dans un rayon de lune le fantôme de Cyrano de Bergerac. C’est à son initiative que nos convives décident d’organiser une « disputation » pour décider qui, du danseur (le « Turc » qui accompagne Lully, 20 ans), du bretteur (le chevalier de Nantouillet, 29 ans) et du comédien (Baron, 17 ans) a le plus de charmes… fessus. Molière préfère se retirer pour aller se coucher, mais ne peut empêcher que son protégé, réclamé à grand cris par ses amis, participe à ce Jugement de Pâris masculin. L’enjeu oblige les trois concurrents désignés à se dévêtir pour ne montrer d’abord que leurs fesses. Puis ce sera le nu intégral. Régal pour les yeux de nos convives mais, avouons-le, aussi pour les nôtres. C’est Baron, le comédien, qui l’emporte après avoir récité la mort d’Oreste et de Pylade, d’après un passage de Cyrano lui-même, pendant que les deux autres, sur la suggestion de Dassoucy, ont mimé « ces deux valeureux guerriers ». Cyrano dans son rayon de lune de lui dire : « Monsieur, merci. Vous nous avez charmé au point que votre art a somptueusement paré votre nudité. J’abandonne mon favori pour donner mon suffrage à votre partie charnue. »

Le libertinage, l’inquiétude amoureuse de Molière, la liberté des conversations, l’ébauche et même la naissance sur scène à partir d’une pièce de Cyrano, Le Pédant joué, de la comédie qui, sous le titre Les Fourberies de Scapin, verra le jour en 1671, la langue dans le style de l’époque mais sans affectation aucune ni pastiche, le spectacle de la nudité, avec une grande aisance, de trois des acteurs, le jeu des uns et des autres, jeunes et moins jeunes, la qualité littéraire des dialogues… tout cela contribue à faire du Banquet d’Auteuil une pièce qu’il faut voir.

« L’homosexualité est au cœur du sujet », déclarait dans une interview lors de la création de la pièce à Montpellier en 2014, Jean-Marie Besset, auteur de plus de vingt pièces déjà. Pièce sur l’amitié, sur l’amour, sur la création dramatique, sur la liberté des mœurs de chacun (liberté des mœurs comme on dit « liberté d’expression », n’est-ce pas ?), sur la vie, sur la mort tout aussi bien (Cyrano est mort assassiné, Molière allait mourir trois ans plus tard)… Molière gay ? Et pourquoi pas, malgré les grimaces des grincheux et des critiques effarouchés. « Il ne suffit plus aujourd’hui de mettre trois hommes « la quéquette à l’air » sur une scène pour faire d’un spectacle une pièce d’avant-garde. » écrit Jacques Paugam. Sans doute, mais primo Besset n’a pas cherché à écrire une pièce d’avant-garde, secundo « trois jolies quéquettes » et les corps qui vont avec, sont agréables à regarder, et puis aujourd’hui, en période de régression des mœurs malgré les apparences, il faut peut-être savoir aussi oser et provoquer, voire choquer les cagots et les bigots, tout comme dans les années 70.

N’oublions pas notre propos ! Cette pièce vient à point nommé relayer sans l’écarter le moins du monde, le roman de Claude Puzin, Vies Errances et Vaillances d’un Gaillard Libertin. Une pièce à voir, oui, un livre à lire. Le texte est aussi disponible aux Éditions H&O Théâtre (2015, 12 €).

Le Banquet d’Auteuil se joue jusqu’à 25 avril au Théâtre 14-Jean-Marie Serreau, dans la distribution suivante : Antoine Baillet-Devallez (Pierrotin), Félix Beaupérin (Baron), Grégory Cartelier (le chevalier de Natouillet), Romain Girelli (le marquis de Jonsac), Hervé Lassïnce (Chapelle), Alain Marcel (Cyrano de Bergerac), Jean-Baptiste Marcenac (Molière), Quentin Moriot (Osamne-« Alessandro »), Frédéric Quiring (Lully), Dominique Ratonnat (Dassoucy). Musique originale de Jean-Pierre Stora.

Avec le soutien de Yagg.com et France-Culture.

En finir avec Edouard Bellegueule, Edouard Louis

En finir avec Eddy Bellegueule ., Édouard Louis (2014 – Le Seuil)

Pas facile, pour parler de ce livre, de se libérer du concert de louanges dont on l’a entouré dès sa parution. Premier roman d’un jeune homme de 21 ans, d’origine modeste, élève de l’Ecole Normale supérieure où il poursuit de brillantes études de philosophie et sociologie, ce livre a eu un succès foudroyant. « Un récit d’apprentissage fulgurant » (Fabienne Pascaud, Télérama), « un roman d’une radicalité stupéfiante » (Gildas Le Dem, Têtu), « maîtrisé et bouleversant » (Élisabeth Philippe, Les Inrocks), etc., etc… Aucune critique négative.

Dans un entretien (Les Inrocks, 22/01/2014), Édouard Louis déclare : « Je ne voulais pas que mon livre soit un beau livre, mais une littérature laide, repoussante, irritante ». Son sujet ? La vie d’un enfant puis d’un adolescent dans une famille pauvre, en Picardie, à la fin des années 90 et au début des années 2000. Est-ce un récit autobiographique ? Rien n’est moins sûr. Est-ce la Picardie, entre Abbeville et Amiens, au début du XXIème siècle ? De cela aussi, on peut douter.

Pour réaliser l’idéal littéraire exprimé ci-dessus, il faut que le monde qu’il décrit soit hideux, cruel et repoussant, comme tout ce qui selon lui, naît de la misère. Et c’est en Picardie qu’il doit trouver ses exemples. Mais une Picardie rebaptisée Nord, non par imprécision géographique, mais parce que le Nord a une connotation économique et sociale que Zola a popularisée. Et nous voilà projetés dans une Picardie nordiste misérable, avec une accumulation de détails répugnants. Tout cela est-il inventé ? Si le roman se passe dans un même lieu et dans une même famille, et en cela c’est une œuvre romanesque, c’est aussi un catalogue d’inepties, de tares, de bêtise, de saleté que l’appartenance à une classe sociale défavorisée ne peut absolument pas expliquer. Dans La voix du Nord, Édouard Louis déclare : « Les gens qui connaissent peu ces milieux déshérités sont stupéfaits ». Même si on les connaît, on peut l’être. On se croirait au milieu du XIXème siècle ! Les hommes, qui travaillent à l’usine, y sont tous alcooliques et passent leur temps libre devant la télé et les films pornos, quand ils ne maltraitent pas leur femme. Les enfants, livrés à eux-mêmes, boivent aussi et les comas éthyliques ne sont pas rares. Leurs dents ne sont pas soignées et ils ne touchent jamais un livre ! On fait rarement appel au médecin, faute d’argent. Et l’école ? et la médecine scolaire ? et la Sécurité sociale ? et les Allocations familiales ? Tous ces avantages et acquis sociaux seraient-ils inconnus en Picardie ? Certaines personnes ou plutôt personnages ont aussi un comportement aberrant : la grand-mère rince une bouteille de lessive pour en faire une carafe, le père, après avoir (fort mal) tué le cochon, en boit le sang encore chaud au lieu de préparer le boudin, les garçons torturent les volailles, la tante s’arrache les dents avec une pince quand elle est saoule, comme ça « sans raison, pour jouer ». On pourrait continuer et souligner les invraisemblances du récit comme les incohérences, la méconnaissance, voire les ignorances du monde rural environnant (non, cher Édouard Louis, on ne peut pas faire du pop-corn avec le maïs que l’on va prendre chez le voisin et ce n’est pas du fumier qui se consume le long des routes !). De ces absurdités, dont certaines relèvent du surréalisme, le livre est plein et ce n’est pas du surréalisme littéraire.

Ce catalogue de situations, d’actes, de personnages, est si invraisemblable et même contradictoire, si caricatural aussi, qu’on peut se dire, en première réaction, qu’il s’agit là d’une construction purement intellectuelle. Bref, disons le mot : d’un canular. Qu’est-ce qu’un canular ? Le mot appartient à l’argot des élèves de Normal Sup’ : il s’agit d’une mystification. Or, notre auteur n’est-il pas normalien ? Mais tout un chacun peut lancer un canular : Victor Lustig et la vente de la Tour Eiffel en 1925, Orson Welles et la guerre des mondes en 1938 sont parmi les plus célèbres. Il en est d’autres et plus récents. Canular radiophonique, téléphonique…, il en est aussi de littéraires, le plus abouti étant celui de Pierre Louÿs avec ses Chansons de Bilitis. Supercherie de grand talent. Il n’est pas sûr que le roman d’Édouard Louis (tiens, Louÿs, Louis ? Pierre Louÿs est né Pierre Louis, rappelons-le) soit de la même qualité. Faut-il aller jusqu’à dire qu’il s’agit d’une imposture ?

Narrativement parlant, plus gênantes encore sont les imprécisions touchant le narrateur. Imprécisions dans les faits : son âge d’abord. Il a dix ans quand commence le récit et entre au collège. Mais de l’école primaire, il ne dit rien. Il prétend n’avoir jamais eu un livre entre les mains avant d’être au lycée : étrange affabulation ! Il n’avait peut être pas de livre, mais à dix ans, il tenait un journal ! Et surtout n’oublions pas que ce garçon est entré à Normale Sup dont la réussite au concours n’est pas accessible à beaucoup. Comment donc lui en est venue l’idée ? Quel dossier a-t-il constitué ? A-t-il eu une bourse pour faire sa « classe prépa » ? Et dans quel lycée a-t-il fait une classe préparatoire ? Où était-il logé ? Pour lui qui a connu la misère, les contingences matérielles sont étrangement secondaires.
Plus graves sont les imprécisions d’ordre psychologique : comment perçoit-il le monde, son corps, sa sexualité ? Il en reste presque toujours à des clichés qu’on lit partout sur les jeunes homosexuels : une voix et des attitudes féminines, une certaine fragilité qui le détourne des sports violents et lui laisse les doigts écorchés quand il doit transporter son sac etc., etc…On a droit à bien des clichés : en cachette, il revêt les habits de sa sœur, il imagine les seins des femmes comme « deux excroissances, deux anomalies, des amas de pus qui se forment sur le corps des personnes malades », et, à force de se masturber sans succès, il a le sexe qui se couvre « de brûlures et de cloques ». On passe du cliché au fantasme. Et lui, dans tout cela, que ressent-il dans son cœur et son corps ? Il n’exprime que le dégoût qu’il a facile d’ailleurs : certes, les crachats sont répugnants, mais pour lui surtout insultants, mais précisons que ce n’est pas l’odeur qui les caractérise, tout comme les garçons qui le persécutent n’ont certainement pas « cette odeur de laitages pourris et d’animal mort ».

Quid des jeux dans le hangar, avec d’autres garçons ? Sur ce point, tellement central puisqu’il touche à l’homosexualité du narrateur, le lecteur reste hélas dans le flou et l’invraisemblable. Les deux plus jeunes participants de cette partouze rurale ont « neuf ou dix ans », nous dit l’auteur, et leurs partenaires une quinzaine d’années. Pour les jeux sexuels auxquels ils se livrent, ils s’inspirent d’une cassette porno hétéro. Mais par quel mystère y a-t-il un magnétoscope dans ce hangar ? À nouveau on tombe ici dans le fantasme : les garçons se « pénètrent » allègrement comme s’ils n’avaient fait que cela depuis leur naissance. Aucune douleur, aucun recul !
On sort de cette lecture avec le sentiment d’être victime d’une esbroufe, habilement bâtie par un auteur dont le style a de grandes qualités, concis, clair, avec un savant dosage de parler populaire et d’argot. Tout est réuni pour rallier un très large public : de l’intellectuel qui se délecte à l’évocation des classes les plus pauvres à la « ménagère de moins de cinquante ans », un peu voyeuse en passant par le jeune homo mal dans sa peau que les malheurs de Bellegueule émouvront. Devant le succès du livre, on peut toutefois s’inquiéter : quelle image ces milliers de lecteurs auront-ils des classes les plus pauvres ? Quelle image des homosexuels ? Quelle image de la Picardie ? Le succès de ce livre n’est pas sans rappeler celui de Pays perdu de Pierre Jourde. Dans Médiapart, Jacques Bolo n’y allait pas par quatre chemins pour parler d’imposture littéraire : « L’imposture littéraire actuelle consiste à nier l’autobiographie en la considérant comme autofiction. Ce n’est pourtant pas compliqué. Quand on ne distingue pas la réalité de la fiction, on a des problèmes. »
Édouard Louis devra-t-il faire face aux mêmes ennuis judiciaires que Pierre Jourde, à propos de son village picard et de ce qu’il en dépeint ? Nous connaissons la Picardie comme une région d’agriculture riche, aux rivages ensoleillés, aux belles forêts. De toute évidence, ce n’est pas celle d’Édouard Louis. Ou bien alors se voudrait-il plus ethnologue que romancier, d’une terre inconnue ? La réalité, il est vrai, dépasse quelquefois la fiction : Bellegueule est assurément un patronyme assez courant en Picardie, dans le Nord, jusque dans l’Aisne et la Seine-Maritime. Mais « contrairement à la réalité », écrit The Huffington Post, le livre de ce « long jeune homme aux yeux bleus aussi clairs qu’un ciel du Sud, dont le visage racé et le maintien un peu maniéré laisseraient supposer une éducation raffinée », ne relèverait-il pas plutôt d’un coup de bluff, jouant sur l’outrance, tout simplement ? Or, si tout en cherchant à apitoyer le lecteur sur une « enfance de la privation et de la négation de soi », il sait bien avec Gide que l’on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments. Ni de la littérature tout court, « même laide, repoussante, irritante », avec de l’outrance à jet continu.
Claude Thévenet
39400 Morbier

LA VIE D’ADELE : chapitres 1 et 2 (il serait temps !)

La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2.

Titre abrégé La Vie d’Adèle, une production belgo-hispano-française écrite, produite et réalisée par Abdellatif Kechiche, 187 minutes. Sortie en DVD le 26 févier 2014.

Sorti en salle le 9 octobre 2013 en France, en Belgique et au Québec, le film a reçu les plus hautes récompenses cinématographiques dont la plus remarquable est la Palme d’or à Cannes, décernée à l’unanimité. Relevons aussi le « Prix du meilleur espoir » et celui du « »Meilleur film en langue étrangère », dans le cadre du « Critics’ Choice Movie Award », récompense décernée aux meilleurs films étrangers par le jury de la Broadcast Film Critics Association depuis 1996. Si le film est revenu bredouille des Oscars 2013, il a en revanche, le 17 décembre 2013, obtenu le Prix Louis Delluc (décerné depuis 1937), considéré comme le « Goncourt du cinéma ».

Inspiré de la bande dessinée (on dit aujourd’hui « roman graphique ») Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, ce long métrage est vite devenu célèbre par son sujet audacieux, par sa qualité artistique, le choix et le jeu des acteurs principaux, de ses deux comédiennes principales d’abord, mais aussi par la polémique très vite suscitée par les déclarations de celles-ci, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, la plus virulente. Le réalisateur s’est même dit « humilié et déshonoré » par les propos de cette dernière. Pourtant les conditions du tournage que Léa Seydoux a prétendu « horribles » les scènes de sexe très explicites (bien que simulées) et jusqu’aux accusations de harcèlement auquel les deux actrices auraient été soumises, n’ont pas éclipsé le mérite et le succès du film. Le verdict du public, lui, a été plus que favorable. « Beau », « émouvant », « magnifique », parfois « un peu trop long », cela rassure ainsi que les 270.000 entrées en cinq jours. La critique, ne se laissant pas abuser par la polémique, n’a pas tari d’éloges non plus, « ode à la vie, à la jeunesse » pour Metronews, un chef d’œuvre selon Télérama, « époustouflant » selon Les Inrocks , « une sublime histoire d’amour » pour Le Point, « un très grand film » selon Libération… On ne saurait tout citer, et c’est du côté de ces éloges que nous nous rangeons, parce que La vie d’Adèle est effectivement un très grand et très beau film. Il est long, il dure trois heures, et à aucun moment on ne s’ennuie. Ajoutons cependant, pour être honnête, que la critique n’a pas été unanime. Éric Neuhoff, par exemple, sur Le Figaro en ligne, descend le film avec une complaisance toute… de droite. De sa critique ne citons que ces lignes : « Kechiche filme avec un Pialat sur la langue. Ce naturalisme pataud, ces images saturées de quotidien, ce réalisme exponentiel n’exigeaient peut-être pas une triple palme d’or à Cannes. » Mais respectons la liberté d’expression et parlons du film.

De quoi s’agit-il ? De la vie d’une adolescente (Adèle Exarchopoulos dont c’est le premier rôle au cinéma), élève de Première, qui rêve du grand amour, convaincue à son âge que ce grand amour ne peut être qu’un garçon. Elle pense l’avoir trouvé en rencontrant Thomas, mais c’est Emma (Léa Seydoux qu’on connaît surtout depuis La Belle personne de Christophe Honoré), une jeune femme aux cheveux bleus, jeune femme libérée, une artiste, qui lui fait prendre conscience que c’est pour les filles qu’elle a une attirance. C’est Emma qui incarne les désirs et les rêves les plus intimes d’Adèle. Apprendre à s’affirmer en tant que femme qui aime les femmes et devenir adulte, voilà ce que nous raconte et nous montre le film de Kéchiche, sans fausse pudeur, sans chercher aucunement à choquer, mais dans la seule intention de dépeindre la vérité du sentiment et du désir. C’est bien une éducation sentimentale, à la fois réaliste et romantique, une histoire d’amour fou, à laquelle assiste le spectateur, l’histoire des commencements de l’amour, toujours si beaux, mais aussi celle des doutes, de la jalousie, de la rupture, de tout ce qui bouleverse une vie quand on aime et surtout quand on aime hors des sentiers battus, hors des normes et des préjugés.

C’est là où tout gay, je veux dire tout homo, pour restreindre l’emploi de ce mot au sexe mâle, se retrouve aussi dans ce film. Quel adolescent en effet ne se croit pas, ne se sent pas, surtout, a-normal, différent, mal dans sa peau, quand, au lieu d’aimer une fille de son âge, de rechercher l’attention et les faveurs d’une camarade, il a éprouvé de l’attirance pour un camarade de sa classe ? quand, au lieu d’admirer telle ou telle actrice à la grande beauté, il rêve secrètement de James Dean ou de Brad Pitt ou bien, s’il est sportif, de Jean Galfione, Christophe Lemaître ou du footballeur Yoann Gourcuff ? Le film touche le public justement par sa justesse de ton et d’analyse. À aucun moment, alors que la salle était comble, je n’ai pour ma part, dans un grand cinéma parisien, entendu la moindre protestation, la moindre moquerie, la moindre réprobation dans les termes injurieux que l’on ne connaît que trop, hélas. C’est dire ! et si nombre de lesbiennes ont réprouvé ou méprisé ce film, sous le prétexte, entre autres, qu’ « il n’y avait aucune lesbienne sur le plateau », on ne peut que le regretter. L’intolérance est malheureusement de tous les bords. Scènes de sexe ridicules, dit une lesbienne américaine, non réalistes dit une autre, et une troisième de déclarer qu’elle se s’est jamais endormie sur les fesses de sa partenaire ! « Deux femmes qui s’emboîtent, voilà une image classique de la pornographie lesbienne réalisée par les hommes», a renchéri l’auteure d’un blog culturel lesbien. Eh oui, c’est là où le bât blesse : le film en effet a été réalisé par un homme. Alors, aurait-il fallu reprocher au film Le Secret de Brokeback Mountain, dont a fait un parallèle de La vie d’Adèle, d’avoir été réalisé par Ang Lee qui, autant qu’on le sache, n’est pas gay ? Quant au reproche fait au film qu’il n’est pas « vrai » dans ses scènes de sexe, simulées, rappelons-le, laissons répondre Catherine Breillat, quand à la même objection elle répliquait : «… ça n’a aucune importance que ce soit vrai ou faux, l’important c’est que ce soit du vrai cinéma. »

Du vrai cinéma, c’est assurément la qualité du film de Kéchiche. Sous-tend le thème de la lutte des classes ‒ Adèle et Emma n’ont pas la même origine sociale, chez l’une on se régale de spaghetti bolognaise, chez l’autre d’huîtres, chez l’une on ne présente pas sa rencontre à ses parents comme son amoureuse, chez l’autre on le fait sans gêne aucune dans une famille à l’esprit ouvert et gay friendly, l’une, Emma qui est artiste peintre reproche à Adèle qui sait écrire de ne pas exploiter ce talent en artiste, la première est une artiste intellectuelle, la seconde veut devenir institutrice. Mais les images, et d’abord les gros plans, frappent davantage le regard. En rapport avec le titre de la bande dessinée bien évidemment, il y a le bleu une première fois évoqué, j’allais dire suggéré, lors des baisers, après l’expérience amoureuse ratée avec Thomas, entre Adèle et une copine dont les ongles sont bleus. Mais surtout ce bleu dont Emma se colore les cheveux, et qui colore les scènes d’amour, avec l’éclairage à la bougie, couleur chaude du plaisir et de la volupté, des soupirs et des râles. Les baisers passionnément échangés sont filmés en gros plan non pour exciter le spectateur hétéro ou la spectatrice lesbienne, mais pour rendre au plus près la peau, les lèvres et en même temps l’émotion, exprimer à la fois la sensualité et le cœur. Notons au passage que la sensualité n’est pas seulement charnelle, c’est aussi celle de la nourriture, de la gourmandise même. La vie et l’amour à pleine bouche !
Adèle est jeune, elle a quinze ans, c’est en étudiant Marivaux (La Vie de Marianne) en classe qu’elle découvre ce qu’est le coup de foudre que le hasard d’une rencontre lui fait ressentir peu après dans la vie réelle. Car la littérature est bel et bien présente dans le film. Marivaux et la sensibilité du côté d’Adèle, Sartre, l’existentialisme et la cérébralité chez Emma, artiste pourtant.

Et finalement c’est peut-être parce que s’opposent la passion amoureuse et la différence de classe entre les deux héroïnes, parce que le cœur domine chez l’une et l’esprit chez l’autre, que s’insinue lentement dans cette belle histoire d’amour, née d’un coup de foudre, le lent poison de la rupture. Emma finit par exposer dans une galerie, Adèle qui est invitée au vernissage, très mondain comme il se doit, est devenue institutrice. Leurs chemins se sont séparés. « A ceux qui n’ont ni rang ni richesse qui en imposent, il reste une âme, et c’est beaucoup. » De qui est-ce ? De Marivaux, dans La Vie de Marianne. Et c’est là la vie d’Adèle.

FIST, de Marco VIDAL, Zones, Éditions La Découverte, 2015

Réduire le fist fucking à la violence du « poing » est un contresens, dit le prière d’insérer du livre de Marco Vidal, nom de plume d’un professeur de philosophie qui s’est fort documenté sur le sujet de cette pratique sexuelle moderne. « Le plaisir civilise la main pour mieux réinvestir les puissances imaginaires du corps dans une union improbable qui pourrait bien aussi s’appeler « amour ». »

Le fist passe pour une invention sexuelle du XXème siècle. Possible, mais pas sûr. Pratique assez répandue ou du moins connue chez les gays masculins, mais que l’on trouve également chez les lesbiennes et hétérosexuels, car le fist peut être aussi vaginal. Lars von Trier dans le chapitre 6 de Nymp()maniac, film si singulier et audacieux, intitulé « L’église d’orient et d’occident (le canard silencieux) », l’illustre expressément sous le nom de « Silent duck » (le film est en anglais) en la personne de Joe interprétée par Charlotte Gainsbourg, démonstration à l’appui. Elle serait née en Californie dans les années 60 et de là se serait étendue à tout le continent nord-américain avant de passer en Europe. Mais Marco Vidal qui dans son livre en décrit les modalités et en recherche une trace historique, n’assure pas que cette pratique soit, comme l’a déclaré Michel Foucault, la grande invention sexuelle du XXème siècle. Pourtant, ni témoignage écrit ni représentation graphique n’indique quelque trace que ce soit de cette pratique dans l’histoire, alors qu’elle est finalement si simple, contrairement à toutes les « perversions » possibles que l’on connaît dans les différentes civilisations. Marco Vidal évoque l’empalement et Sade, mais pour en écarter toute similitude de sens, car le fist – quelquefois dénommé « handballing » ou traduit sans succès en français par « poinglage » – n’a qu’un très lointain rapport avec les pratiques SM, s’il en a un tant soit peu. Signalons ici que l’auteur relève et commente dans son livre, sur deux pages, l’apparition pour la première fois dans le cinéma français, de la pratique du fist dans le film de Philippe Vallois, Johan, mon été 75, film sorti en 1976 mais amputé de cette scène et de quelques scènes d’érection que l’on retrouve dans le DVD publié depuis. Signalons aussi que le cinéaste a publié chez ErosOnyx Éditions un ouvrage intitulé La Passion selon Vallois dans lequel il rappelle les circonstances du tournage de la scène du fist et l’optique dans laquelle il l’a insérée.
Le mérite de l’auteur est de lier le fist au plaisir, à un plaisir très particulier, à un acte de tendresse, à l’amour, qui est le dernier mot du livre (l’avant-dernier en fait). Si la main peut tuer, elle peut aussi, et c’est là tout l’intérêt du fist, dompter ces capacités criminelles pour n’être que caresse. « Au fond du fist, il y a un principe de délicatesse ». Le poing est sans doute violence, mais avec le fist il devient poing d’amour.
L’essai de Marco Vidal est tout à la fois historique, sociologique, médical, littéraire aussi parce que le style en est souple et personnel… C’est une histoire de la sexualité sous un angle particulier. Très documenté, l’auteur ne manque pas de donner ses sources et l’étonnement du lecteur peut être total quand il cite et commente le Cantique des cantiques :
Mon ami a tendu sa main par l’ouverture
et mon ventre était en tumulte à cause
de lui
« Mots sans origine ni passé, écrit Marco Vidal, ombre portée du désir, où brûlent le rêve de l’autre et de soi, le baiser et la caresse, la peau et les viscères, le chaste et l’impur : inimaginable et visible effraction, conjonction scandaleuse de la main et du ventre. »

EXPOSITION DE PHOTOS AU BONHEUR DU JOUR

1963 : de grands élèves de l’école de Salem, proche du lac de Constance, en Allemagne, pris sur le vif par Will McBride et dans leur intimité partagée, dans la salle d’eau. Cette école située dans un château existe toujours.

Ces photos toutes inédites, sauf une qui est très connue, n’ont jamais été montrées ni publiées. Exposées dans la galerie, elles seront pour la première fois proposées à la vente.

Photographe connu pour ses reportages, Will McBride, né à Saint-Louis (Missouri) en 1931, est décédé tout récemment, le 29 janvier 2015. Après ses études d’art à l’Université de Vermont, où il a suivi les cours de Norman Rockwell, puis à la National Academy of Design de New-York, Will McBride a complété sa formation artistique à Syracuse University of New York. Il a vécu à Chicago jusqu’à son départ pour l’Allemagne en 1953. C’est en tant qu’officier qu’il photographie les militaires de la caserne de Würzburg avant de s’installer à Berlin.

Devenu photographe indépendant à partir de 1959, ses photos ont connu de nombreuses publications dans Life, Stern, Quick, Twen, Geo, Look et Paris Match.

La série d’œuvres que présente la galerie Au Bonheur du Jour est intitulée : « Salem Suite », série de photographies de scènes intimistes.

Un livre en a été édité par Koll and Friends. On peut le trouver à la galerie.

Galerie Au Bonheur du Jour, Nicole Canet 11 rue Chabanais 75002 Paris.
Tel. : 01 42 96 58 64. Du mardi au samedi 14H30 –19H30.

http://www.aubonheurdujour.net/McBride.htm

A Clermont-Ferrand le 28 février, à La BerGamoThée

Articulée autour de ses propres poèmes, la lecture publique que donnera
André Sagne à La BerGamoThée, à Clermont-Ferrand, le samedi 28 février
2015 à 21 heures, sera surtout l’occasion de faire entendre de grandes voix
poétiques des amours féminines, de Sapho à Renée Vivien, mais aussi
masculines avec notamment August Von Platen ainsi que celle, intense et
ouverte, de Yannis Ritsos, tous ces auteurs étant publiés avec le plus grand
soin par les éditions ErosOnyx dont le travail sera présenté à cette occasion.

www.labergamothee.fr

NOUS SOMMES CHARLIE

Nous sommes Charlie !

Xavier Bezard est l’auteur du dessin ci-dessous, à droite. Auteur du roman Gustave paru le 16 mars 2015 chez ErosOnyx éditions, il est photographié ici devant la mairie de Cosne-sur-Loire le jeudi 8 janvier 2015.

ALATA (Out in the dark)

Alata (Out in the dark)

Sortie en salles : le 22 mai 2013.

Le titre en hébreu, et proposé en anglais entre parenthèses, signifie « Obscurité ». Le bref commentaire du réalisateur en donne l’esprit du film : « Même dans les heures les plus sombres, tant qu’il y a de l’amour, il y a de l’espoir ». Il s’agit en effet d’une histoire d’amour sur un fond ténébreux de violence et d’oppression, le conflit israélo-palestinien. Nimer, étudiant palestinien de Ramallah, qui vient en clandestin à Tel-Aviv depuis dix ans, rêve de partir pour l’étranger afin d’y connaître des jours meilleurs. Dans un bar gay, un soir, il rencontre Roy, jeune avocat israélien. Ils tombent vite amoureux l’un de l’autre. Nimer est alors confronté à un cruel dilemme : rester en Israël avec celui qu’il aime ou poursuivre son rêve d’aller vivre ailleurs ?

Mais la cruauté n’est pas celle-là seulement, c’est aussi et autant celle de la réalité sociale et politique : la communauté palestinienne à laquelle il appartient rejette son identité, rejet qui par homophobie peut aller jusqu’au meurtre, tandis la société israélienne ne reconnaît pas sa nationalité. Services secrets, chantage, complot terroriste, rejet familial, enfermement, crime de sang constituent la trame de ce drame qui emprunte au thriller le suspense de sa fin. Fin ouverte : Nimer a une chance de fuir les siens qui le rejettent et la terre qui refuse de l’accueillir. Réussira-t-il et Roy pourra-t-il le retrouver ?

Le titre se justifie d’abord par la situation dramatique de Nimer, qui pour survivre doit faire face à une double menace. « No exit » (titre anglais de Huis-clos de Sartre) pourrait en anglais être un autre titre. Mais la lumière du film, à partir de sources naturelles, le justifie tout autant et les gros plans de visages rendent plus émouvante encore pour le spectateur l’histoire d’amour, peut-être sans avenir, de ce jeune couple à la Roméo et Juliette. Se cacher, échapper à la police pour pouvoir s’aimer fait du coup de ce film un film politique. Où est la Terre promise quand s’aiment un Israélien et un Palestinien ?