BEAUTÉS SICILIENNES à la Galerie Au Bonheur du Jour,

PHOTOGRAPHIES de NUS MASCULINS, PORTRAITS XIXème et LIVRE

Avis aux amateurs de beauté et collectionneurs,

UNE EXPOSITION de photos rares de Gloeden,Plüschow et Galdi,
avec un livre avec 220 nouvelles photos
BEAUTẺS SICILIENNES
et la biographie de chacun des trois auteurs
(248 pages). Relié
Français-Anglais/ French-English

se tiendra du 16 avril au 28 juin 2014
http://www.aubonheurdujour.net/Expositions.html

Parution du catalogue le 15 avril

Vernissage de l’exposition le mardi 15 avriL de 17H A 22H.

lien sur l’exposition et le catalogue :

http://www.aubonheurdujour.net/Expositions.html

Les photographies sont déjà présentées aux murs de la galerie. Suite dans le boudoir de nouveaux dessins et peintures

Galerie Au Bonheur du Jour – du mardi au samedi 14H30-19H30
11 rue Chabanais
75002 Paris

Tél. 01 42 96 58 64

www.aubonheurdujour.net
http://www.aubonheurdujour.net/CP-Beautes.pdf
http://www.aubonheurdujour.net/CP-Beautes-GB.pdf

HOMMAGE d’EROSONYX à Régine DEFORGES

HOMMAGE d’EROSONYX à Régine DEFORGES

À l’annonce de la mort de Régine Deforges le 3 avril 2014, ErosOnyx a une pensée émue pour cette femme de multiples passions. Pour l’éditrice d’œuvres érotiques en particulier quand elle lança sa maison L’Or du Temps en 1968. Et bien sûr pour l’éditrice qui, dans les années 1970 et 1980, donna un nouveau public à Renée Vivien (1887-1909), non seulement en republiant d’abord Études et Préludes et Cendres et Poussières en 1976 dans la maison qui portera désormais son nom, puis l’année suivante son roman Une femme m’apparut et le recueil de nouvelles La Dame à la Louve, et en 1986 son œuvre poétique sous le titre Œuvre poétique complète de Renée Vivien, édition confiée à Jean-Paul Goujon, titres tous introuvables depuis des décennies. La même année, encore au fin lettré Jean-Paul Goujon elle confia la biographie qui fait toujours référence, de la poétesse du Paris Lesbos 1900, intitulée Tes blessures sont plus douces que leurs caresses. C’est sur les pas de Régine Deforges que nous nous sommes lancés dans la réédition progressive de l’œuvre de la « Sapho 1900 ».

Régine Deforges fut de flammes rousses comme ses cheveux, sentant le soufre et sachant qu’elles ne seront jamais mièvres, les pages de prose et de vers de Renée Vivien que ses admirateurs des deux sexes nomment la Muse aux violettes.

INVERSES – HORS SERIE 2014 : YVES NAVARRE, UN CŒUR QUI COGNE

Nombreux, dit-on, sont les grands écrivains des deux sexes qui doivent, après leur mort, traverser un purgatoire plus ou moins long. Yves Navarre (1940-1994) semble bien être de ceux-là.

Patrick Dubuis, président de la Société des Amis d’Axieros, éditrice de la revue annuelle Inverses qui en est à sa treizième édition depuis 2000, partenaire d’ErosOnyx Editions, est à l’initiative d’un Hors Série à rebours de ce purgatoire justement, recueil de 172 pages à saluer comme il le mérite, avec sa couverture où Navarre, dans les bleus, nous regarde dans les yeux, sur son titre d’un blanc pur : Yves Navarre Vingt ans après…

Et si l’une des clefs possibles de ce purgatoire nous était donnée dès le premier article, de Patrick Dubuis, consacrée aux premiers romans de l’auteur : « Peut-être qu’Yves Navarre n’était pas en paix avec lui-même et, en particulier, avec son homosexualité qu’il n’aurait pas si bien assumée qu’il voulait le laisser paraître. » ?

Car c’est une évidence : comment un écrivain pourrait-il se contenter de bien vivre son époque et de bien se vivre ? La force, la profondeur, l’épaisseur d’un artiste ne sont-elles pas précisément dans cette distorsion compliquée entre son temps et sa propre histoire : être tout à la fois reflet, pionnier et étranger à son temps par sa singularité même ? Le pouls de l’écriture homosensuelle d’Yves Navarre, comme il aimait à la qualifier et se qualifier, est d’avoir, sa vie durant, reflété un cœur qui cogne, pour reprendre le titre de l’un de ses romans, un cœur battant et toujours inadapté, dans sa famille comme dans la société, dans les mouvements de pensée de son époque comme dans sa vie sexuelle et sentimentale, jamais calme, dans la drague comme dans la passion pourtant recherchée à corps et cœur perdus.

Qu’on lise, qu’on dise, qu’on écoute ses phrases, qu’on les regarde aussi – son écriture manuscrite est elle-même saltimbanque, entre élégance, ruptures et tourments, comme le montrent, dans ce Hors Série, les pages reproduites de certains de ses manuscrits, dont le dernier extrait d’un roman inédit ‒, partout, c’est la même tachycardie.

Navarre, comme son écriture, comme son style, est tour à tour lyrique et cassé, aigu et tendre, fier et condamné à l’essoufflement de chaque instant. Vivre toujours au bord du précipice. Avec la force et le risque que donne cette indécision. Le souffle, et donc la phrase, court toujours le risque de manquer, doit souvent se poser pour se recomposer, dans l’imminence constante d’une attaque. Chez Navarre, il y a une lèpre qui ronge le cœur depuis toujours, syphilis des Loukoums, sida de Ce sont amis que vent emporte, mort si intime que c’est vivre qui devient une condamnation, mais aussi une gloire, gloire de se conquérir à chaque respiration, à chaque phrase. Si peu d’apaisement pour tant de paradoxes et de revirements. Proie et cannibale, Yvette dans la cour de récré et dandy moustachu fumant nu dans un magazine disparu au bout de quelques numéros, L’Amour, Yves Navarre nu, fragilement nu, gland décalotté pour émouvoir autant qu’attiser, killer et galopin, jamais acclimaté au jardin des bourgeois mais aussi des militants de la revue Masques. Tenir le plus longtemps possible, vivre le temps de s’attacher, le temps voulu mais vite renoncé, fort et faible de son enfance, fort et faible de l’amour inquiet de sa mère entre des mâles de béton armé, aimé aimant et mal aimé mal aimant, tenir le plus longtemps possible avant que tout (…) devienne insupportable !

C’est cette chamade violente et mélodieuse que l’on entend à travers les articles et les témoignages de ce Hors Série où passe Yves Navarre, et toute sa nébuleuse de paradoxes, dans ses fiertés d’homosensuel revendiqué et ses détresses d’un impossible apaisement. Et tant pis si ça dérange à l’époque du mariage pour tous ! C’est la gloire libre du paria de devenir amant et bourreau des idées, des émotions, des corps et des mots. Amant et bourreau des mots pour en extraire son beau tour à tour fracturé et caressant, le beau des phrases de Navarre à faire longtemps rouler en bouche. Sexe, pensées, sentiments, cœur et encre, tout, chez Navarre, cogne de sang vif et torturé… vingt ans après et pour longtemps, parce que c’est triste, parce que c’est beau !

Pierre Lacroix

QUEER CLUB DES CINQ ?

QUEER CLUB DES CINQ ?

Lundi 3 mars 2014, dans Libération, m’attire un titre : « Faut-il brûler le Club des Cinq ? ». L’article est de Philippe Reigné, signataire de la pétition “ les Études de genre, la Recherche et l’Éducation : la bonne rencontre”, pétition ouverte le 5 février 2014 sur le site Petitionpublique.fr. Il revisite malicieusement la série d’Enid Blyton, publiée Outre-Manche de 1942 à 1963 et traduite en France pour la Bibliothèque Rose chez Hachette, de 1955 à 1967, avec un succès qui ne s’est jamais démenti depuis, comme le montrent couvertures et illustrations qui varient au gré des modes de chaque génération.

L’article me fait l’effet radieux de réminiscences, comme le retour encore vague de la saveur des miettes de madeleine imbibées de thé ou de tilleul tiède et savourées par le narrateur dans À la recherche du temps perdu, au chevet de Tante Léonie, le dimanche matin avant la messe… Je revois le cosy-corner autour du divan rouge où je dormais, meuble de fille qu’on avait bien voulu installer dans ma chambre, tout éclairé de rose et de vert : le vert, c’étaient les Alice de Caroline Quine, cette jeune fille libre comme le vent dans la voiture bleue décapotée qui la menait sur les routes de Californie, Sherlock Holmes blond et téméraire, damant le pion à tous les affreux et tous les méchants, avec la bénédiction de son élégant père veuf, le seul prince charmant d’Alice qui ne vit que pour ses enquêtes…

Et puis, le rose, c’était le Club des Cinq… L’article de Philippe Reigné me donne envie d’exhumer d’une armoire du grenier un titre dont me restent de vagues souvenirs de plaisir solitaire, dans la grange qui sentait bon les vaches et le foin… Mes parents fermiers me laissaient lire tout mon saoul et j’ai gardé ou racheté quelques-uns des titres rangés dans le cosy. Celui-là me rend, cinquante ans après, une bonne bouffée de vacances de Pâques, fouettées de pluie et fleuries de coucous, un souterrain sous la mer entre une falaise et une île hantée par les ruines de vielles tours, un chien aussi futé que les quatre adolescents de la bande, deux filles et deux garçons, des queues blanches de lapins qui détalent à chaque page !

Je relis donc non pas Le Club des Cinq et le trésor de l’île dont parle Philippe Reigné, mais Le Club des Cinq joue et gagne (première parution en français chez Hachette, 1956) Et le plaisir est double.

Celui de retrouver la chamade de l’enquête. Le chien Dagobert s’y conduit en héros pour sauver des mains de sales bandits rapaces, en quête de brevets d’invention, un carnet où se trouve, consignée en dessins et en mots, une découverte essentielle pour le progrès de l’humanité. De jeunes adolescents bravent un revolver dans des souterrains d’effroi, pour sauver leur île, leur père ou oncle – savant inapte à la réalité, impérieux, fou et lumineux à la fois, avec la tête dans les nuages de ses recherches – sans oublier Dagobert, aussi intelligent qu’instinctif, aussi gourmand que tendre. Oui, un des charmes de la série du Club des Cinq, c’est de faire d’un bon bâtard de chien un personnage à part entière dans une intrigue bien menée où l’on est dans un réel qui fait rêver et réfléchir, avec des personnages pas si conformistes psychologiquement que l’étiquette “bibliothèque rose” pourrait le laisser penser.

Car le relire, après l’article de Philippe Reigné, fait descendre dans des strates plus nuancées que celles d’un bon roman palpitant de fin d’enfance. Plaisir sans doute inconscient entre huit et douze ans et qui se libère maintenant, servi d’ailleurs par les premières illustrations de Simone Baudoin – dans l’édition que j’ai sous les yeux – qui se plaît à souligner l’androgynie bouclée de Claude. Oui, on avait remarqué que Claudine / Claude avait tout du garçon manqué, qu’Annie était plus réservée et douce, que François était plus maître de lui que Mick, son frère plus impulsif, mais l’on pouvait penser qu’il ne s’agissait que d’esquisses différentes pour la clarté du récit et la variété de dialogues abondants.
Or, le texte fait effectivement la part belle à la cloison japonaise mobile entre masculin et féminin, pour deux personnages du titre Le Club des Cinq joue et gagne, en pleine confusion revendiquée de genre et d’ailleurs acceptée par les personnages positifs du roman. Il s’agit de Claude, bien sûr, et d’un autre personnage, Martin, qui ne fait pas partie du Club mais se révèle important au fil de l’histoire, entraîné dans la spirale de courage de ses camarades.
Commençons par l’intrépide maîtresse du chien Dag, inséparable de lui, ainsi décrite dès le tout début du roman :

En dépit de ses cheveux bouclés coupés court, Claude n’était pas un garçon mais bien la cousine d’Annie, officiellement appelée « Claudine » et plus connue cependant sous le nom de Claude, par la force des choses, car elle refusait de répondre à quiconque l’appelait autrement.

Le portrait se précise un peu plus loin :

Claude était difficile à vivre. Elle se montait aisément contre son père… à qui elle ressemblait étonnamment tant par ses sautes d’humeur que pour son caractère ombrageux. Si seulement Claude avait eu la douceur et la gentillesse de ses cousins […] François lui administra une claque amicale sur l’épaule. « Bonne vieille Claude ! Non seulement elle a appris à céder mais encore avec le sourire. Quand tu te conduis de cette façon, Claude, tu ressembles tout à fait à un garçon. »

Claude se rengorgea, ravie du compliment de François. Elle n’aurait voulu pour rien au monde être mesquine, rancunière et méchante comme tant de filles de sa connaissance, sans compter qu’elle avait toujours regretté de ne pas être un garçon. Mais Annie ne réagit pas de la même façon.

« Il n’y a pas que les garçons qui savent céder de bonne grâce. Des quantités de filles en font autant. En tout cas, j’ai bien l’impression que c’est ce que je fais, moi, s’écria-t-elle avec indignation. »

Pas simple, chez Enid Blyton, la couture qui sépare fille et garçon ! Claude est la seule des quatre du Club à savoir se rendre sur son île (oui, tous les membres de la famille reconnaissent qu’il s’agit de son domaine) de Kernach en évitant les nombreux écueils qui rendent son approche périlleuse. Rien d’étonnant alors qu’elle ait conquis la complicité de tous les marins et pêcheurs du rivage ! À son cousin Michel, dit Mick, qui la qualifie de « garçon rudement efféminé », elle réplique vertement !

« Claude prit feu aussitôt : « Moi, j’ai l’air d’une fille ? Allons donc, j’ai plus de taches de rousseur que toi, et d’une. Et j’ai une voix plus grave que la tienne. Et de deux.
– Tu es idiote, répliqua Mick d’un ton dégoûté. Comme si seuls les garçons avaient des taches de rousseur ! Toutes les filles en ont aussi. Je suis persuadé que ce Martin savait parfaitement ne pas avoir affaire à un garçon. Il voulait te flatter. Il avait dû entendre parler de ton goût pour jouer à ce que tu n’es pas !»

La psychologie se corse : Mick jalouserait-il l’audace de Claude de « jouer » à ce qu’elle n’est pas ? Et jalouserait-il l’intuition qui a rendu Martin sensible au jeu de Claude et donc désireux de reconnaître le droit de Claude à ce jeu ? Ce Martin subtil est le fils présumé d’un vieil homme aux sourcils broussailleux, venu étrangement s’installer sur la falaise, près de la maison du garde-côte, sans motif apparent… Étrange Martin aussi, solitaire, mélancolique, qui va lentement séduire les Cinq, par sa singularité justement :

« Il passa la main derrière la seconde rangée de livres et extirpa un assez grand carton à dessin qu’il posa sur la table. Il en tira plusieurs feuilles de papier.
« Oh ! c’est merveilleux ! » s’écria Annie. Elle était un peu étonnée, car elle ne se serait pas attendue à ce qu’un garçon dessinât des fleurs, des arbres, des oiseaux et des papillons. Et surtout avec une telle perfection dans le détail et les couleurs.»
[…]
« Votre père estime que vous n’avez pas assez de talent pour que ce soit la peine de continuer à vous perfectionner ? demanda (François).
– Il déteste mes dessins, répondit Martin avec amertume. Je m’étais enfui du collège pour m’inscrire aux Beaux-Arts, mais il m’a rattrapé et m’a interdit de peindre. Il trouve que c’est une occupation trop veule pour un homme. Alors je le fais en cachette.»
Les enfants regardaient Martin avec sympathie. Ne plus avoir sa mère et, de surcroît, avoir un père qui déteste ce qu’on aime le plus paraissait atroce. Rien d’étonnant que Martin eût toujours l’air triste, malheureux et renfermé !

Heureusement, pour Martin, il y a la proximité du garde-côte qui aime fabriquer des maquettes et personnages en miniature, et les lui fait peindre en l’invitant dans sa maison, près du télescope qui ouvre tous les horizons.

La mer, dans ce roman d’Enid Blyton, fait se révéler les personnages les plus secrets : Claude est fière (fier ?) que l’île de Kernach lui ait valu sa réputation de hardi marin et que Dag le chien fasse d’elle une amazone des enquêtes… dont le Club des Cinq ne sort victorieux que grâce au vaillant limier ! Quant à Martin, on apprendra que l’homme qui le tyrannise n’est en fait qu’un tuteur qui veut faire de lui son sbire en art de briganderie. Le père de Claude, deus ex machina, aussi sensible que savant, offrira un bel avenir à Martin :

« Les enfants échafaudèrent des plans d’avenir pour Martin : « Vous habiterez avec le garde-côte. Il vous aime beaucoup…, il ne cessait de répéter que vous n’étiez pas méchant ! Et l’oncle Henri verra s’il peut vous inscrire aux Beaux-Arts. Il dit que vous méritez une récompense pour avoir aidé à sauvegarder sa précieuse invention ! »
Martin débordait de joie. On aurait dit qu’un poids lui avait été enlevé des épaules. « Je n’avais pas pu travailler comme il le fallait jusqu’à présent, mais attendez et vous verrez ! J’arriverai à quelque chose, j’en suis sûr. »

Happy end de roman pour l’enfance, oui, mais pas seulement. Garçon manqué devenu héros et vilain petit canard devenu cygne ! On pense, mutatis mutandis, aux films Tomboy (2011) de Céline Sciamma et Billy Elliot (2000) de Stephen Daldry. Merci à Philippe Reignié de m’avoir fait relire Le Club des Cinq joue et gagne ! Rose, la Bibliothèque Rose ? Pas si rose que ça, comme Les malheurs de Sophie, un de ses fleurons, le montre depuis plus d’un siècle à tant de lecteurs en tout genre. Si l’on rajoute qu’Enid Blyton a mis beaucoup d’elle en Claude et que la Comtesse de Ségur se sentait très proche de son petit démon de Sophie, la lecture mérite et méritera longtemps sa gloire de vice impuni.

Pierre Lacroix, printemps 2014

Brigitte Fontaine, dans son dernier album, « J’ai l’honneur d’être » nous offre une coupe de poison à sa façon.

Brigitte Fontaine, dans son dernier album, « J’ai l’honneur d’être » (septembre 2013) nous offre une chanson pas simple, une belle coupe de poison à sa façon.

LES HOMMES PRÉFÈRENT LES HOMMES

C’EST TANT PIS POUR NOS POMMES

(…)

LES HOMMES PRÉFÈRENT LES HOMMES

C’EST TANT PIS POUR LEURS POMMES

On le sait, elle le chante et le vit depuis toujours :

J’aime les avis

Les moins partagés

J’aime les orties

Les ronces les fées

Brigitte Fontaine n’a jamais fait dans le cucul convivial, dans la bien-pensance. Elle est fille de Lilith et de Maldoror. Elle chante ce qu’elle a dans le sang, et c’est toujours si fort, de musique et de mots, que c’est à méditer. Dans la lignée du livre « La maladie de la mort » de Marguerite Duras et du film « Anatomie de l’enfer » de Catherine Breillat, elle verse, dans son album J’ai l’honneur d’être, aux hommes qui préfèrent les hommes, une étrange gorgée de diamants noirs pilés, une déclaration d’Amazone. Les hommes préfèrent les hommes, c’est une chanson étrange, au vitriol, libre, femme, saignante de phantasmes qui sont une caricature inspirée de la noire galaxie de la baise entre mâles ! Hommage ironique à ces super-mecs, sans une once de féminité, cruels, repus de guerre, de sang et de cul ?

Agacée aussi par la « rhinocérite » à la Ionesco du mariage pour tous, Brigitte ? Peut-être… et c’est son droit, elle qui aime l’émotion à vif de l’homosexualité. On entend beaucoup de non-dit, dans la fureur stylée de cette chanson troublante, comme un grief des femmes aux hommes qui se passeraient désormais d’elles. C’est comme si elle nous disait : « Allez ! les homos, vous rangez pas trop dans votre ghetto ! N’oubliez pas La non demande en mariage de Brassens ! Vous coupez jamais du cœur, des tourments, des déchirures et des sanglots d’Éros ! Elle n’a pas oublié les combats des années 70, Brigitte Fontaine, où les homos scintillaient de leur marge à vif, entre les cuirs et dentelles du film Pink Narcissus de James Bidgood et les récits de chasse amoureuse de Tricks de Renaud Camus… Mais qu’est-ce que vous allez foutre de l’hypocrisie du mariage ? Comme si la chanteuse-Pythonisse craignait, avec son humour toujours, que le mariage pour tous n’accroisse la guerre des sexes, « l’ère du verseau… chez les barbeaux. »

Écoutons surtout ses vers de Pythonisse sibylline :

Les hommes préfèrent les hommes

Ils s’entrebaisent comme

Les bijoux de la reine

Dans le coffret d’ébène

Même chez les truands

On les voit dans le sang

Agitant leur sacrum

En hommage à Sodome

(…)

Éros en a assez

Des vamps et des poupées

Il lui faut un grand nombre

De dards et d’œillets sombres

De muscles et de poils drus

De violence et de cul

Puisqu’ils sont tous pédés

Songeons à nous armer

(…)

Moi, Brigitte, quand il a cette gueule, ton cri du cœur, ton cri de guerre, je me sens homo et pas maso en aimant ta chanson car je sais que ce n’est pas des homos Pierrots que tu parles mais d’un cauchemar de nuit des Longs Couteaux, d’une backroom chez Barbe-Bleue, qui deviendraient poème par tes mots !

Pierre Lacroix, automne 2013

L’Inconnu du Lac, film d’Alain Guiraudie

L’inconnu du Lac. Alain Guiraudie. Juin 2013.
« En termes de sexualité, j’ai toujours tourné autour du pot… Il était peut-être temps, pour moi, d’en venir aux choses sérieuses. » Alain Guiraudie

Présenté au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, ce film a obtenu le prix de la mise en scène et la Queer Palm. Ce qui suit n’est pas une critique exhaustive, mais quelques réflexions inspirées par le film.

Alain Guiraudie a toujours affirmé son homosexualité et son goût pour les lieux de drague en plein air, au bord des rivières de son Sud-Ouest, ou, comme ici, des lacs méditerranéens. Personne, mieux que lui, ne pourrait réussir un film sur le sujet. Pourtant, si l’homosexualité n’est pas absente de sa filmographie (on pense à Ce vieux rêve qui bouge ou au Roi de l’évasion), elle n’est jamais centrale. Il déclare lui-même : « En terme de sexualité, j’ai toujours tourné autour du pot… Il était peut-être temps, pour moi, d’en venir aux choses sérieuses. » C’est ce qu’il fait dans L’Inconnu du lac.

Dans l’histoire du cinéma, dès qu’un film aborde la question de l’amour entre hommes, la critique en souligne le côté universel et, souvent, la réalité homosexuelle s’en trouve atténuée. Beaucoup de réalisateurs font la même chose et « tournent autour du pot » comme Guiraudie dit l’avoir fait longtemps. Il y a des raisons évidentes à cette indécision : il ne faut pas décourager un très large public, en majorité hétérosexuel, qui risque de se détourner d’un « film de pédé », et un film ne gagne jamais à être classé au rayon gay d’une grande librairie. L’Inconnu du lac a réussi ce tour de force d’être à la fois un film grand public et un film homo, « très rare chef d’œuvre pédé du cinéma français », comme l’a écrit Olivier Séguret dans Libération. Et le fait d’être interdit aux moins de 16 ans ne l’a pas desservi, au contraire : il a donné aux plus jeunes l’envie de le voir, en trichant un peu !

Dans ce film, il n’y a que des hommes (seul un dragueur étourdi, qui n’a pas bien compris où il était, cherche des femmes !) qui sont là pour des rencontres éphémères et baiser selon les codes de la drague homo en plein air. Comme le dit Guiraudie : « Il y a un côté très joueur, très cour de récréation, la fidélité n’est pas de mise : on se la montre, on se la touche, on se la suce… » On ne peut pas dire mieux. Et il y a dans tout cela un côté « démocratique », libre, léger, gratuit. C’est dans cet univers paisible que vont surgir la passion et la mort.

Là où se passe le film, la nudité est de mise. On y est pour le soleil certes, pour un bronzage intégral. Mais aussi pour se montrer, séduire et se laisser séduire. Tous les hommes nus sur la plage de galets n’ont pas la beauté jeune et apollinienne des modèles que l’on trouve dans les magazines dits « spécialisés », mais ils ont émouvants, à commencer peut-être par le seul qui ne soit pas entièrement nu, Henri, qui n’est pas de la première jeunesse et vient au bord de l’eau apaiser ses peines conjugales. Ce regard est une constante chez Guiraudie, regard fraternel et généreux quel que soit l’âge. En outre, la nudité souligne la fragilité. Un homme nu, le sexe sans protection, est à la fois magnifique et menacé. La belle exposition du Musée d’Orsay en 2013, sur le nu masculin, a ouvert la voie à une réflexion esthétique et philosophique, et le film de Guiraudie qui est le seul à filmer frontalement et longuement, des hommes nus (films pornos mis à part), lui-même compris comme figurant, peut alimenter cette réflexion. Des hommes nus qui se draguent et ne pensent qu’à jouir sans contrainte avec des rencontres sans lendemains, des rapports éphémères sans obligation de fidélité : tout est pour le mieux dans cette Arcadie de province et la nature environnante – la végétation, le lac et le vent dans les grands arbres – est caressante et protectrice.

Comment la tragédie va-t-elle s’insinuer dans ce bel équilibre ? Tout se met en place comme au théâtre. On a pu lire que le film était un « huis-clos à ciel ouvert ». À part le ballet des voitures sur le parking, le monde extérieur n’y a aucune place. L’étude du scénario originel nous apprend que Guiraudie a renforcé l’unité de lieu, en supprimant les hétéros curieux venant « se rincer l’œil ». Un sentier traverse le bois et débouche sur la plage et, de l’autre côté, c’est le lac qui est peut-être le personnage central et le premier élément de la tragédie : il y a dans ses eaux un silure monstrueux… c’est là que Michel assassine son amant jaloux devenu encombrant. Cette masse d’eau est angoissante, lieu de passage entre la vie et la mort. Michel, excellent nageur, est le dieu de ce lac, le dieu de la mort, et Franck, le charmant, l’enfantin Franck, tombe amoureux de lui. Petit prince amoureux d’un bel ogre. Du sexe naît la passion. Franck ne veut plus seulement baiser, mais passer une nuit et peut-être sa vie avec Michel qu’il a pourtant vu, dans la pénombre du crépuscule, noyer son amant.

Curieusement, le danger ne fait qu’aiguiser son désir. On voit ici s’opposer deux faces de l’amour : Michel, dragueur cynique, se débarrasse de ses proies après usage, Franck, lui, rêve du grand amour. Un troisième homme, Henri, prend peu à peu conscience de la menace qui pèse sur le libertinage joyeux de l’endroit. Lui ne vient pas là pour draguer, mais pour oublier sa solitude. Il noue avec Franck une amitié partagée qu’il exprime par ces mots : « Quand je te vois arriver, là bas, j’ai le cœur qui se serre… comme quand je suis amoureux… et pourtant, j’ai pas du tout envie de coucher avec toi. » Pas de sexe entre eux, mais la tendresse de l’amitié masculine est ici superbement incarnée. C’est cette amitié qui conduit Henri à se jeter dans la gueule du loup pour protéger Franck.

Quand est repêché le corps de la victime de Michel, se met en place l’enquête policière menée par un inspecteur soupçonneux et… très vêtu. Tout progressivement vire à l’effroi, la lumière peu à peu cède la place à l’obscurité, avant la nuit totale. Le fondu au noir accentue le suspense et plonge le spectateur dans un abîme de perplexité. Henri est égorgé, l’inspecteur, poignardé. L’étau se resserre autour de Franck. L’Arcadie devient alors une descente aux Enfers. Franck est tombé amoureux d’un serial killer. Mais Guiraudie lui-même n’a-t-il pas déclaré, dans un entretien, que la fameuse phrase de Bataille : « L’érotisme est l’approbation de la vie jusque dans la mort » l’avait sans doute travaillé « souterrainement » quand il préparait le tournage de son film ?

Date de sortie : 12 juin 2013
Durée : 1h 37 min
Réalisé par Alain Guiraudie
Avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou, Patrick d’Assunçao.

Les Éditions Épicentre ont consacré à L’inconnu du lac un coffret comprenant le film, de nombreux bonus dont un entretien d’Alain Guiraudie avec Joao Pedro Rodrigues, et le texte du scénario.

Claire LIPPUS

10 GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE

10 grands moments de solitude est une collection de courts métrages, sélectionnés dans le cadre d’un appel à films lancé par l’association Bulle Production dont ErosOnyx Editions est partenaire pour l’occasion.

Le comité de sélection est composé de Pascal Alex Vincent, Agnès-Maritza Boulmer, Bruce, Anne Delabre, Rémi Lange, Frédérique Ros, Emmanuel Vacarisas, Voto Otov, Philippe Vallois, Goa Yaka.

L’action est due à l’initiative de Hugues Demeusy, Louis Dupont et Chriss Lag, auxquels se sont joints Fabien Béhar, et Florian Richaud.

L’ambition de cette collection est de mettre en lumière la solitude d’hommes et de femmes GLBT, en proposant le point de vue de réalisateurs et réalisatrices, professionnels ou non, sur la question sensible de l’isolement.
La collection vise à rappeler au plus grand nombre cette douloureuse réalité qu’est la solitude, Il faut malheureusement constater que, quand on n’en est pas victime soi-même, elle est souvent ignorée et regardée comme un signe d’échec affectif et social. Rousseau n’avait-il pas raison de se brouiller avec Diderot écrivant à son sujet : « Il n’y a que le méchant qui soit seul. » ?

L’action a reçu le soutien des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence du Couvent de Paris, de la Mairie de Paris, du centre LGBT de Paris, d’ErosOnyx Éditions et d’Écrans Mixtes.

Ava / Valentin, de Guillaume RICHARD, 11’58
(Encore) Une nuit avec un inconnu, de Joao DASILVA & Gildas FABLET, 6’11
Fille en aiguilles, de Chriss LAG,3’41
Homework, de Nicolas LIBERMAN, 9’39
Joan, de Florian RICHAUD, 8′
L’accouplement des Licornes, de Denis GUEGUIN, 9’25
L‘avenir est belle, de Manuel MENDO, 12’39
L’homme aux 15 000 amis, de Fabien BEHAR, 8′
Luigi e Vicenzo, de Giuseppe BUCCI, 5′
Noyade interdite,de Juliette GRANGE, 11’30

La projection des films retenus se clôt avec sagesse et humour sur le dernier film de Philippe Vallois, Zeus le chat, réalisateur depuis les années 70 et 80, premier réalisateur français ouvertement gay avec Johann en 1976.

Le 14 novembre 2013, sort le livre de Didier Roth-Bettoni sur SEBASTIANE de Derek Jarman, avec le DVD du film.

Beau comme le péché.

Quelques légionnaires, au IVe siècle après J.C., en garnison sous le soleil, sur un promontoire perdu juste avant la mer.
Parmi eux, Sebastianus, un soldat chrétien radieux comme un ange méridional, brun aux cheveux courts, qui ne se donne qu’à Dieu, et un tribun militaire païen, d’une blondeur de viking, qui le boit des yeux sans pouvoir y toucher.

La cruauté déchaînée par cette beauté intouchable, la lutte entre le profane et le sacré, l’appel de la chair et l’appel du divin.

Ouverture baroque, dans le palais de Dioclétien à Rome, avec une débauche de palette digne du Ken Russell des Diables ou du Fellini de Satyricon.

Puis départ pour le désert rocailleux au bord des flots, corps qui se dénudent lentement, sensuellement, au fil du film. Moments d’anthologie et de grâce, dedans et dehors : une grotte devenue thermes pour de fins muscles garçonniers qui se lavent, se rasent, s’enduisent et se contemplent ; un ralenti plus brûlant que le soleil méditerranéen sur deux baigneurs de l’éden antique qui se caressent dans des éclaboussures de vagues, en giclées lentes de sperme bleu, sur des corps fugitivement offerts, ouverts, de vrais chromos de porno tendre. Le rêve impossible passe sous les paupières du tribun. Dans la lignée de celui que nous offrait, en 1974, Christopher Larkin dans son film Une chose très naturelle.

Mais nous sommes en d’autres temps. Au bout du désir inassouvi devenu emprise de passion incandescente, vient la male et mâle joie de mettre Sébastien à la torture, la cambrure du supplicié transpercé de flèches aussi parfaitement dessinée que le profil des archers qui le mettent à mort, je te désire, je te tue, j’aurais voulu te traverser tendrement d’amour, je te traverserai cruellement de flèches, sous le soleil !

Un orgasme en coulures de sang, sous le pinceau charnel de Derek Jarman, entre la mer et les os nus des rocs.

Et oser une V.O. à l’antique… comme si l’on y était ! Poème pictural, porté par les bruits et les sons de la nature, sonnailles, cigales, vent… ,porté par la musique sensuelle et funèbre tour à tour de Brian Eno, porté par l’usage inouï de ces dialogues en latin : tout dans Sebastiane accentue l’effet d’un étrange cérémonial, voluptueux et sauvage.

Messe de la chair divine martyrisée.

La Collection Images d’ErosOnyx va s’enrichir en novembre 2013 de l’étude de ce film par Didier Roth-Bettoni, orfèvre en la matière.

Sous un des rabats du livre, comme pour les autres ouvrages de la collection, on trouvera le DVD du film, avec, pour la première fois depuis sa sortie en salle, un sous-titrage français !!!

Dans la presse allemande, H COMME…

Hannes Steinert H COMME…

Im kleinen französischen Verlag ErosOnyx Éditions ist soeben ein Bildband erschienen, de klassische Gedichte zum Thema schwule Liebe mit vor Erotik knisternden Zeichnungen des Stuttgarter Künstlers Hannes Steinert vereint.
Der Titel (deutsch „Gedichte von gestern – Bilder von heute“) betont die Zeitlosigkeit der erotischen Anziehungskraft (junger) Männer, die in allen Kulturen und zu allen Zeiten poetischen und künstlerischen Ausdruck gefunden haben.

Die Gedichte von so unterschiedlichen Autoren wie Michelangelo, Garcia Lorca, Pasolini, Shakespeare und anderen sin in den Original sprachenabgedruckt.