sur Strip Hotel

Encres Vagabondes
David Nahmias
(14/12/11)
Jacques ASTRUC

STRIP HOTEL

À Ashville, aux abords d’une voie ferrée, se dresse un vieil immeuble en briques rouges. Sur son enseigne, on peut lire : Strip Hotel. Dans son hall un imposant canapé trône, un large vase chinois monté en lampe éclaire les lieux, derrière le comptoir de la réception un vieux noir penché sur son ennui patiente. Cela ressemble à un décor qu’aurait oublié de peindre Edward Hopper ; Jacques Astruc s’en chargera avec la qualité de ses mots.

Ruppert Adamson, le narrateur de Strip Hôtel, a débarqué par hasard dans cet endroit et dès la première nuit ne désire plus vivre ailleurs, lui qui partait pourtant pour la Nouvelle-Orléans. Un décor de rêve, vraiment. « Je fus séduit, définitivement. Je choisis de vivre là, au Strip, plus qu’ailleurs au monde. Je posais mes bagages, et je m’endormis tout habillé… »

Une rencontre le retiendra bien plus encore à cet hôtel : une femme. De celles qu’il faut craindre, n’a-t-elle pas indiqué sur sa fiche pour profession ce simple mot : Femme… Elle aussi a débarqué dans ce lieu avec un simple bagage, elle aussi n’envisage pas de le quitter. Cette créature ne vous laissait pas indemne. La croiser était une aventure majeure, une péripétie existentielle fatale. On n’oubliait pas ce décolleté profond ouvert sur cette gorge palpitante, sur la naissance de ses seins, qui, à peine esquissés, déjà vous obsédaient.

Rapidement notre narrateur devine que cette Femme, Lolita M. comme elle se fait appeler est une prostituée de luxe ou plus exactement une sorte de mangeuse d’hommes. Elle revient soir après soir avec au bras un amant différent. Le hasard aura voulu que la chambre de notre Lolita M. se situe exactement en dessous de celle de notre narrateur. Obsédé par l’amour qu’il lui porte, par le profond désir de la posséder, il guettera chaque soir son retour au bras de l’amant élu pour la nuit, il écoutera les moindres bruits de vêtements défaits, de peau frôlée ; les moindres soupirs d’amour jusqu’aux cris de jouissance du couple et l’orgasme à gorge déployée de Belle. Allongé nu, l’oreille collée au plancher, il ne perd rien des rencontres répétées de Lolita M.

L’amour fou n’est-il pas l’état le plus difficile à conserver intact ? Et l’érotisme n’est-il pas la forme littéraire la plus difficile à transcrire ? Jacques Astruc par son talent nous prouve qu’il maîtrise merveilleusement cette matière-là.

Cette présence au septième étage du Strip Hotel, devient, pour notre narrateur, obsessionnelle. Le rythme de ses journées ne se déroule plus qu’en fonction des moments de présence ou d’absence de la Femme… de Lolita M., de Belle. De page en page nous perdons la notion du temps, depuis quand Ruppert Adamson se trouve-t-il au Strip ? Quelques mois ? Quelques années ? Et Lolita M., depuis toujours ?…
« Lolita et moi appartenions à cette catégorie d’êtres en rupture, en perdition. Électrons libres affranchis de tous les codes sociaux, échappés de la tribu aliénante des ancêtres, rejoignant l’insouciance féroce de la horde originelle. (…) Le vieux noir était à la tête d’un cortège d’errants égaré sur une route désaffectée. Ici on n’avait plus que cela, cette liberté, cruelle et belle, qui donnait le vertige. Nous étions tous, au Strip, libres d’en finir, ou de recommencer. Nous partagions la certitude des lentes agonies en chambres closes. Nous contemplions nos lits vides, où gisait une valise râpée. Personnages en fuite dans la blancheur blafarde des aubes et des néons. »

Strip Hotel de Jacques Astruc se lit comme si nous étions nous même dans l’un de ces trains qui filent vers Ashville et la Nouvelle-Orléans, et l’image obsédante, répétitive, du corps de Belle semble mouvoir les roues de ce train qui nous entraîne jusqu’au bout du voyage… jusqu’à la dernière page… jusqu’à la dernière ligne de ce roman !

PAROLES de Dick Annegarn

Qu’on puisse regrouper les textes de toutes les chansons de Dick Annegarn en intitulant le recueil Paroles (Éditions Le Mot et le reste. 2011) n’a pas surpris ceux qui suivent depuis ses débuts ce grand gars lumineux et tendre, inclassable, doux et provocant, qui jongle avec les mots, les invente, les brise, les recompose, en affirmant la force du verbe et de la tradition orale dans toutes les civilisations. Pour ceux qui ne le connaissent pas, ou mal (seulement par quelques chansons comme Sacré géranium ou Bruxelles), c’est l’occasion de découvrir un homme secret, heureux et libre.

Cette édition de Paroles a deux particularités : d’abord, elle comporte une préface d’Olivier Bailly qui utilise de larges extraits d’interviews où Annegarn se confie très spontanément ; en outre, le recueil des textes de chansons est strictement alphabétique, mêlant les époques et les thèmes. Au lecteur de se débrouiller et les déclarations de l’auteur l’y aident beaucoup. Mais il n’est pas question de faire ici une étude détaillée de tous ces textes, ni une exégèse des rapports de Dick Annegarn avec son œuvre. Nous souhaiterions plutôt dégager ce que la version écrite de ses textes met en lumière. Comme il dit lui-même : « …les paroles peuvent être lues et lire mes textes c’est autre chose que de les entendre. C’est une œuvre à part. » Et il estime que ses « intentions vont mieux apparaître imprimées que chantées. »

« Je me radote musicalement. Comme les enfants ! On varie sur les mots, on les détourne. On sautille, on se promène dans une mélodie pour rigoler, pour passer le temps. C’est joyeux, comme exercice, je m’endors avec ça, je pisse avec ça, je prends mon bain avec ça, je fais la cuisine avec ça » déclare l’auteur. Un éternel enfant facétieux, qui ne s’ennuie jamais ! Mais dans le mot parole, il y a aussi la magie, la sorcellerie. Les inventions verbales sont aussi des mots de passe, un langage secret d’apprenti sorcier. Les vrais prénoms de Dick ne sont-ils pas Benedictus Albertus ? ce qui est digne d’un alchimiste médiéval. Et le lecteur se laisse prendre à ces incantations en gardant en mémoire la musique et l’inimitable voix rocailleuse. Un prophète panthéiste, sans religion révélée, un mystique libre et solitaire qui évoque Simon du désert : il a été fasciné par le Sahara et son « antre » est au fond de la campagne profonde du Sud-ouest, près de la terre et des arbres qui nous font oublier que nous sommes mortels.

Ce solitaire qui cultive sa solitude (« joyeuse, solaire, libératrice ») aime pourtant le monde avec passion : comme il le fait avec les mots, et avec les langues (Français, Anglais, Néerlandais) il prend la vie (sa vie) comme un terrain de jeu. Du Nord au Sud, de la mer du Nord à l’Asie du Sud-Est, de la ville à la campagne, il recherche tous les mélanges et en est fier, se définissant comme « un Hollandais qui loue une maison au Maroc pour y accueillir son amant Chinois. » Et, dans ses voyages, il aime les lieux incertains, la périphérie des villes, les fleuves (comme la Seine où il amarra sa péniche de nombreuses années) et, même dans le désert, il fait des rencontres. Cet amour du monde c’est aussi son attachement à ses racines, à son enfance, à sa mère, pudiquement évoquée : « Tu peux partir /Tu peux vivre libre ta vie d’amour. /Voilà les dires / Les doux désirs de ma mère d’amour. » Car Dick Annegarn est resté un enfant : « Le ciel des grands est beaucoup plus petit que le ciel des enfants. Enfant, ne deviens jamais grand ».

Le mot frère , présent dans beaucoup de ses textes, est certainement une clé pour comprendre ses choix de vie. Il y a des frères spirituels et artistiques : pour lui, la chanson Théo (lettre à Théo Van Gogh) est comme une lettre à un frère imaginaire, et, s’adressant à Jacques Brel, il dit « je te tutoie comme un ami ». Il y a aussi tous ses « frères humains » sur tous les continents. Mais il ne cache pas ses frères-amants car, pour lui, « l’amour entre hommes est désintéressé » et il constate que « beaucoup d’hommes à femmes sont aussi des hommes à hommes, donc c’est un peu leur vie souterraine ». Il dédie à ces « frères-amants » quelques uns de ses plus beaux textes (Même en hiver ou Le traversin sont de ceux-là). Il ne cache pas non plus qu’il a toujours été « charmé par les voyous », comme Pasolini, comme Genet. « Les mecs un peu cassés m’émeuvent », et si Rimbaud le fascine, c’est aussi pour cela.
Aujourd’hui, à l’aube de la soixantaine, il constate : « Mon itinéraire est un peu incertain, c’est une dérive ». Mais il a sur l’avenir toujours la sérénité du sage. En mai 2011, il déclare : « Ici, en Comminges, j’ai appris qu’on peut être cultivateur et cultivé ….Je me veux libre, pas libertaire. Attention, même si « biologiquement » je ne suis pas un homme de réseaux, j’ai des combats, pour la parité, la liberté, c’est essentiel dans ce monde de barbus et de Michel Sardou » (La Marseillaise. 27 mai 2011)

Un milliard d’amis possibles

C’est qui va m’aimer

Claire Lippus

LA PHEDRE DE RITSOS A DIE (26)

PHÈDRE, LA CHAMBRE D’ÉCHO : POUR HIPPOLYTE, LE JEUNE HOMME AU FUSIL

Poème dramatique

D’après Phèdre de Yannis Ritsos / Conception et scénographie : Muriel Vincent et Aurélien Villard /
Création lumière : François Dupont et Aurélien Villard /
Musique : Jean Guillaud / Regard extérieur : Dominique Pasquet / Avec Sébastien Depommier et Muriel Vernet

Depuis Euripide, en passant par Sénèque, Garnier, Racine, et nos contemporains Marina Tsvetaïeva, Sarah Kane, Didier Georges Gabily… Toute « l’histoire du théâtre » est traversée par la figure de Phèdre… Et la figure de Phèdre apparaît toujours « comme si tout le théâtre entrait en scène à cet instant »… De ce point de vue, la Phèdre de Yannis Ritsos, est une sorte d’éclipse… Un « soleil noir », qui conte l’ultime rencontre entre la figure solaire absolue du bel Hippolyte, le jeune homme au fusil et la brillance lunaire d’une Phèdre sans âge qui a décidé du moment exact de sa fin, juste à la fin du poème…
A la fois onirique et trivial, traversé par toutes ces ombres singulières et familières qui envahissent l’œuvre poétique de Yannis Ritsos, le spectacle ramène chacun à une intimité concrète et universelle.

Un grand moment de théâtre, au cœur du mythe, à ne pas manquer.

25 septembre 2011 à 18h30 Théâtre de Die.

Dans HETEROCLITE, mensuel gay mais pas que… – Lyon/St-Etienne/ Grenoble. Septembre 2011 Grenoble/


Les cimes de Monsieur Lange

Rémi Lange, cinéaste, présentera le 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon son premier long-métrage, Omelette, à l’invitation d’Écrans Mixtes.
Omelette est le récit d’un coming-out. Pour un jeune homme d’aujourd’hui, se dire homosexuel est-il plus facile que cela ne le fut pour vous en 1993 ?

Oui, les lois (en premier lieu le PACS) ont fait évoluer les mentalités, mais cela reste néanmoins difficile dans certains endroits, en banlieue, dans les petits villages… Le problème vient de ce que l’Éducation nationale et les parents ne sont pas assez engagés dans la lutte contre l’homophobie : on élève toujours les enfants selon les schémas hétérosexuels classiques.

– Le film est tourné en Super-8, avec les conséquences que cela entraîne pour la qualité de l’image. Quelles sont les raisons de ce choix artistique ?

J’aurais pu tourner en vidéo H8, il existait déjà des caméras assez légères, mais le Super-8 me renvoyait au premier cinéma que j’ai connu : les films de famille tournés par mon père dans les années 70. Je voulais transformer ce cinéma-là en fiction, en injectant du malheur dans le film de famille, en gardant la forme mais pas le fond. Cela correspondait également à un besoin de vivre aussi vite et aussi pleinement que possible, puisque la bobine du Super-8 ne dure que trois minutes et demi : il faut donc être concis, précis et aller à l’essentiel.

– Comment expliquez-vous que tant d’auteurs homosexuels (vous-même, Hervé Guibert, Guillaume Dustan, Violette Leduc…) aient choisi de s’exprimer par le biais de l’autofiction ?

Je ne pense pas que nous soyons si nombreux que cela, finalement… En outre, si Hervé Guibert est vraiment dans l’autofiction, Omelette est davantage du registre du journal filmé. Mais pour répondre à votre question, c’est peut-être lié à l’épidémie de sida des années 80-90. Face au danger de mort qui nous guettait, nous avons essayé de profiter au maximum de la vie et de la débarrasser pour cela de tous ses artifices. C’est pourquoi on en vient à vouloir dire « je », à laisser une trace avant de peut-être disparaître. En tournant Omelette, je me disais souvent : « avant de mourir, je n’aurai rien caché ». J’étais également beaucoup influencé par l’art corporel, qui montre l’intérieur du corps. Mon message, c’était : « me voici tel que je suis, prenez-moi avec mes défauts et mes qualités ».

– Ce moyen d’expression que sont l’autofiction ou le journal filmé vous intéresse-t-il encore ?

Oui, bien sûr. Je reviens justement du festival du film documentaire de Lussas où j’ai été très marqué par un magnifique film autobiographique, sur le mode du journal filmé, qui sera bientôt diffusé sur Arte : Le Ciel en Bataille, de Rachid B. L’histoire d’un mec au chevet de son père en train de mourir, qui évoque son homosexualité, sa conversion à l’islam…

– Mais concernant votre propre travail, avez-vous envie de revenir au journal filmé ?

Après le diptyque que formaient Omelette et Les Yeux brouillés, je me suis davantage tourné vers la fiction. Mais récemment, j’ai débuté un projet, dont j’ignore encore le nom, qui consiste à filmer dix-sept secondes par jour. Au bout d’un an, cela devrait faire un film d’une heure et demi. Je ne sais pas trop ce que ça va donner, si cela sera montrable, mais après tout, ça n’a pas d’importance : on peut aussi faire des journaux filmés pour les brûler ensuite !

– Quels sont vos autres projets cinématographiques ?

J’ai aujourd’hui un travail à temps plein, puisque je suis éditeur de DVD, donc j’ai moins de temps à consacrer au cinéma. Tous mes derniers films, sortis uniquement en DVD, ont été réalisés avec des bouts de ficelle ; c’était moi qui faisais tout. Aujourd’hui, j’aimerais trouver des financements, un producteur qui me suive, mais ce n’est pas facile. Ai-je encore l’énergie de me lancer dans cette recherche, de repartir à zéro ? Je ne sais pas. Le cinéma n’est plus forcément indispensable à ma vie. Je pense avoir dit ce que j’avais à dire et quand on n’a plus grand-chose à dire, il vaut mieux se taire ! Mais cette envie me reviendra peut-être un jour…

Projection d’Omelette le vendredi 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon, 30 boulevard Vivier Merle-Lyon 3 / 04.26.64.44.64 / www.festival-em.org Rencontre avec le cinéaste et signature de son livre Journal d’Omelette.

À voir et à lire : Journal d’Omelette (avec le DVD du film), de Rémi Lange, ÉrosOnyx Éditions (24, 50€)

LE ROI DE L’EVASION (2009)

Alain Guiraudie a l’art de sortir des sentiers battus !

Avec ce nouveau film, Alain Guiraudie nous convie à un voyage dans le truculent univers qui le caractérise : le sourire malin sous la farce, le mariage du réalisme et du fantasque, les charmes de la vie de province avec les tracteurs, la bicyclette, la « drague sauvage » sur les aires de repos menacée par Internet, la peau au contact du soleil et de la nature, parce qu’on s’y déshabille beaucoup, le sexe dédramatisé, décomplexé, décloisonné, loin de toutes les étiquettes du ghetto !

Il y en a du feuilletage croustillant dans Le roi de l’évasion ! C’est d’abord un film policier avec meurtre et trafic d’un « pantagruélion », la « beurougne », sorte de pomme de terre au goût de vanille, plante miraculeuse qui assure une bandaison de plusieurs heures sans défaillance ! C’est aussi l’histoire de la crise de la quarantaine d’un homme bien pourvu en chair appétissante, loin des critères de sélection des top models et autres escorts des magazines, qui, devant le vide répétitif de sa vie sexuelle, en vient à se dire qu’il n’aime finalement peut-être pas les hommes et qu’il est encore temps pour lui de faire un coming out à l’envers : se laisser tenter par une belle adolescente ardente, en rupture de scolarité et de famille ! C’est enfin une fine réflexion sur la traversée des apparences : les notables ont besoin de se décoincer, les chercheurs de vérité d’aller au bout de leurs phantasmes pour mieux se connaître, les rabelaisiens ont aussi un cœur qui bat sous la chair truculente…

Pas de réponse aux questions, jamais, pas de prêchi-prêcha, mais une intrigue folle, irrévérencieuse, des situations juteuses et quelle audace ! On ne remerciera jamais assez Alain Guiraudie pour son hymne à l’amour intergénérationnel ! Chez lui, les silver daddies et les minettes allumées sont tous et toutes à croquer. L’essentiel, c’est de se laisser porter par son désir, sans bégueulerie, sans tricherie, mais en cherchant et en suivant sa pente. Il faut oser le filmer, avec en sourdine l’idée que l’amour mérite toutes les cavales et que sa quête ne peut que connaître des crises, l’important étant de ne jamais se laisser bouffer par les modes, les routines tristes, de ne jamais passer à côté de soi… De l’art de faire voler en éclats les normes et les marges !

À voir sans modération !

LE GAI TAPANT

LE GAI TAPANT

un hommage à Jean Le Bitoux ( 1948 – 2010) par Voto et Goa,
paru en juin 2011 chez Épicentre Films Editions

Dynamique portrait d’un militant de la cause des Lesbiennes, Gais, Bisexuels et Transsexuels depuis 1968 jusqu’à sa mort en 2010, qui fut le dynamisme même !
Il y a chez Jean Le Bitoux une allergie frénétique à l’intolérance et à l’injustice qui rappelle celle de Voltaire. Rien de ce qui est humain et donc rien de ce qui est homo ne lui est étranger : il fut, sa vie durant, un infatigable accoucheur de la parole libre et du droit à l’affirmation politique, au sens premier du terme, affirmation de soi dans la cité, pour celles et ceux qui désirent et aiment à contre-courant de l’hétérodoxie et qui, loin d’être une menace pour l’humanité, sont au contraire un des ferments de l’humanisme par l’expression même de leurs différences : aimer à contre-courant, c’est inquiéter et donc libérer les peurs, aider à s’en purifier en les reconnaissant chez les autres et en soi, aider la société à reconnaître toutes formes de vie qui exprime le foisonnement existentiel des différences, des cultures et des comportements, et finalement le droit au bonheur de chaque individu dans le côtoiement et le respect de la variété infinie de ces aptitudes au bonheur. N’en déplaise à feu Jean-Paul II : l’homosexualité est culture de vie si le corps, le cœur et l’esprit oublient la coutume et la haine de l’autre, quand ce dernier bouscule les habitudes, et font à l’homosexualité la place que la nature et la culture humaniste lui ont faite.

Jean Le Bitoux, en vrai militant, a travaillé sur le passé, le présent et l’avenir de la cause des L.G.B.T. :
– il a aidé ses contemporains à sortir du tabou multiple de l’holocauste de la seconde guerre mondiale et à y inclure les homosexuels. Il a symboliquement accompagné l’Alsacien Pierre Seel dans un travail de libération de la parole pour que la France, comme l’Allemagne, reconnaisse l’ignominie de toutes les persécutions, y compris celle des homosexuels au triangle rose dans les camps de la mort.
– il a œuvré à la fierté homosexuelle, à la sortie du placard et de la nuit des identités L.G.B.T. : sa participation au mouvement du F.H.A.R. né en 1971, sa création, avec Michel Foucault entre autres, de l’hebdomadaire « Le Gai-pied « en 1979, son implication dans la création de la première Gaypride parisienne, Marche des fiertés, à la fin des années soixante-dix, sur le modèle de la première gaypride américaine en 1970
– et bien d’autres combats montrent la puissance solaire du libérateur infatigable que fut Jean Le Bitoux.
– il a lutté jusqu’au dernier souffle contre le SIDA, le grand ennemi du dedans et non l’ordalie punitive que certains ont voulu y voir : toute forme de mise à mort trouve Le Bitoux aux créneaux et le film de Voto et Goa, par son montage haletant, souligne ce surcroît d’énergie qu’a créé la maladie chez lui avant qu’elle ne l’emporte. Le Bitoux a gardé le goût du soleil et de la vie jusqu’au bout, jusque dans la cérémonie, organisée selon sa volonté, de son enterrement dans le village de naissance de son dernier compagnon africain, au Mali. La mort y est conjurée par les danses, les chants, les fleurs…

Le Gai Tapant, avec son montage frénétique comme l’homme auquel il rend hommage, est un film qui donne la pêche ! On y voit comment un fils de bonne famille de Bordeaux se vit et se construit en écharde permanente contre les conformismes et toutes leurs cyniques ou secrètes manières de tuer la vie différente. On y apprend à ne pas se laisser voler sa vie, à recueillir un peu de la graine de ce grand résistant dont la vie et la mort nous apprennent que le droit à la différence a été, est et restera à conquérir toujours. Nous avons besoin de ces héros humbles et formidables en même temps, comme Harvey Milk et Jean Le Bitoux, pour nous faire notre gai Panthéon. Merci à Voto et Goa d’avoir recueilli, en 54 minutes, cette belle énergie pour la transmettre !

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Journal d’Omelette. Avec 1 DVD
Rémi Lange

Date de parution : 01/05/2011
Editeur : ErosOnyx
EAN : 9782918444077
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Résumé de Journal d’Omelette. Avec 1 DVD

Omelette ou un film sur un « coming out ». Comment dire à sa famille que l’on préfère les garçons et que l’on vit en couple avec son petit ami, Antoine ? Rémi Lange, jeune encore, il avait 24 ans, a eu l’idée de faire cette « confession » à sa mère, sa soeur, sa grand-mère en filmant leurs réactions, donc caché derrière sa caméra. Mais aussi à son père, divorcé de sa mère. Là, ce fut la surprise. Le Journal d’Omelette est contemporain du journal filmé, journal vérité, journal cruauté contemporain. Il est aujourd’hui publié pour la première fois. Il prolonge et perpétue la surprise que fut le film lors de sa sortie en 1998. Il est précédé d’un avant-propos chaleureux et en même temps très lucide sur cette « confession ».

Les auteurs en sont Olivier Ducastel et Jacques Martineau, eux-mêmes cinéastes (Jeanne et le garçon formidable, leur premier film, sélectionné au Festival International de Berlin et deux nominé aux Césars, ou dernièrement L’arbre et la forêt, Prix Jean Vigo 2009). Leur avant-propos centre leur regard sur la figure du père. Puisque le DVD du film Omelette accompagne le livre, le lecteur pourra, à son gré, lire d’abord le Journal commencé en 1993 et visionner ensuite le film ou vice versa, revenir ensuite au livre pour lire tout un dossier comportant les réactions de la famille après le « coming out » de Rémi, l’accueil de journalistes entre 1994 et 1998 et divers jugements de critiques. Sa curiosité pourra enfin être satisfaite par l’entretien abondant entre l’éditeur et l’auteur qui, réalisé en 2011, clôt l’ouvrage en décrivant le parcours du cinéaste depuis 1993.

FUGUES (Montréal, Québec) réagit au Journal d’Omelette

En 1998, Rémi Lange diffuse en salle Omelette, un film tourné en super 8, qui est axé sur un thème éminemment personnel — comment annoncer son homosexualité à sa famille et, surtout, la crainte de leurs réactions.

Une démarche qui lui permet de se décharger d’un fardeau — mais qui amènera également sa mère à lui faire une révélation choc! J’ignore si un autre projet du genre fut déjà réalisé, mais il est assez troublant de pénétrer aussi profondément dans l’intimité d’un homme, de contempler ses incertitudes, ses hésitations, ses contradictions, de même que celles de ses proches, qui sentent peser sur eux le regard de la caméra toujours omniprésente.

Le film obtint un succès critique et populaire relativement important et fut retenu pour faire partie des collections permanentes du Centre Pompidou. Les éditions ÉrosOnyx nous présente ici un document exceptionnel: le journal personnel de Rémi Lange, rédigé pendant le tournage, suivi d’un dossier des réactions suscitées par le film (correspondance avec sa famille, revue de presse) et, finalement, un entretien réa-lisé en 2011 avec ce dernier portant sur son parcours depuis 1992. Le tout est accompagné du DVD du film avec de multiples suppléments composés d’archives filmiques personnelles.

Attention! Il s’agit d’un DVD de zone 2. Il est donc possible que certains lecteurs ne puissent le lire. Il ne devrait cependant pas y avoir de problèmes avec le lecteur d’un ordinateur. L’ouvrage n’est pas distribué sur le marché québécois; il est donc suggéré de le commander via une librairie française en ligne comme, par exemple, Amazon.fr.

Rémi Lange. Cassaniouze, France : ÉrosOnyx, 2011. 127p. (Collection Images)