La Rumeur, film de 1961 de William Wyler, en DVD Métro-Goldwyn-Mayer, 2004
Quand finira-t-on de dire et de lire que ce film méconnu de l’auteur du sensuel et mythique Ben-Hur (1959), n’est que le triste reflet d’une époque puritaine où deux femmes qui s’aiment ne peuvent que se taire, se marier ou mourir ?
Tout d’abord, avant le suicide final, il y a la longue et très claire déclaration d’amour de Martha (Shirley MacLaine) à son amie d’enfance Karen (Audrey Hepburn). Ce long monologue est à lui seul un morceau d’anthologie. Mais il y a aussi la scène finale qu’il faut voir et revoir pour en comprendre toute la portée : elle mêle le travelling avant et la contre-plongée sur Karen métamorphosée. Après les obsèques de Martha, après l’hypocrite douleur des assistants, Karen marche, marche dans l’allée entre les tombes, quitte le cimetière sans jeter un regard à quiconque, pas même au beau Dr Joe Cardin (James Garner) qui lui promettait le mariage et qu’elle écoutait par méconnaissance d’elle-même. Karen passe entre les voitures noires, s’échappe, les yeux levés vers les feuillages et le ciel, avec une surprenante lueur printanière dans le regard.
Le titre original du film, The children’s hour (qui fut d’abord une pièce), pourrait se traduire par Quand les enfants ont tous les droits. C’est en effet une autre audace de William Wyler de dénoncer la perversité dont sont capables les enfants, ici des fillettes de bonne famille qui cherchent à échapper à leur pensionnat.
Et si la vie et la liberté étaient au bout de la rumeur et de la mort qu’elle a entraînée ? Karen porte désormais Martha en elle, Martha vit en Karen.
S’ajoute à la force de ce film la beauté de ses images et portraits en noir et blanc.