Morte à Paris le 18 novembre 1909 à 32 ans, Renée Vivien laisse alors des centaines de poèmes et une réputation sulfureuse. Fait rarissime dans la littérature de l’époque, «ses vers mêlent ouvertement, à la première personne, poésie et saphisme», note la spécialiste de son œuvre Nicole G. Albert dans la préface d’un volume réunissant dix des recueils de l’autrice (Poèmes 1901-1910, Erosonyx). Vivien «aima les femmes, n’aima que les femmes, et osa prendre sa lyre pour le faire savoir». Sa littérature, qui épouse majoritairement les formes classiques (rimes, alexandrins, sonnets), est pleine d’une sensualité mâtinée de préciosité fin de siècle.
Peu lue de son vivant, Renée Vivien est redécouverte par le grand public depuis peu, notamment grâce à la parution d’une sélection de poèmes chez Points / Seuil en 2018, mais aussi à son roman l’Aimée, sorti l’année dernière chez Talents hauts. Les éditions Erosonyx, encore elles, viennent de publier un recueil de treize poèmes de Vivien accompagnés d’un CD. La musicienne Pauline Paris en livre les versions chantées, dans la grande tradition des poèmes mis en musique, et le tout est accompagné par les dessins très élégants d’Elisa Frantz.
Voici (sans la chanson) l’un des poèmes de ce nouveau recueil.
Je t’aime d’être faible…
Je t’aime d’être faible et câline en mes bras
Et de chercher le sûr refuge de mes bras
Ainsi qu’un berceau tiède où tu te reposeras.
Je t’aime d’être rousse et pareille à l’automne,
Frêle image de la Déesse de l’automne
Que le soleil couchant illumine et couronne.
Je t’aime d’être lente et de marcher sans bruit
Et de parler très bas et de haïr le bruit,
Comme l’on fait dans la présence de la nuit.
Et je t’aime surtout d’être pâle et mourante,
Et de gémir avec des sanglots de mourante,
Dans le cruel plaisir qui s’acharne et tourmente.
Je t’aime d’être, ô sœur, des reines de jadis,
Exilée au milieu des splendeurs de jadis,
Plus blanche qu’un reflet de lune sur un lys…
Je t’aime de ne point t’émouvoir, lorsque blême
Et tremblante je ne puis cacher mon front blême,
Ô toi qui ne sauras jamais combien je t’aime !
Renée Vivien, Treize poèmes mis en musique et chantés par Pauline Paris, dessins d’Elisa Frantz, éditions Erosonyx, 60 pages, un CD, 25 euros.