Normandia Song
Pleure, mon cœur imbécile… C’est une chanson qui pleure, qui prie, qui crie au vent des plages de Normandie, et qui ne regrette pas un de ses pleurs, pas un de ses baisers, pas un de ses cris… une jeune fille, une femme, de soixante-dix comme de quinze ans, de celles et de ceux qui ne savent pas nager dans l’océan où l’on nage ou crève, pas aimer sur les bancs où l’on aime, marche ou crève, qui garde dans sa voix les nuages rouge sang de sa vie d’amour et qui parle à son cœur en exil … C’est la chamade d’un piano dans du brouillard électrique et une ascension de cordes, qui court vers l’eau salée de la grève… C’est la voix de néon mauve de Françoise Hardy, hantée par une mélodie et un poème, aussi poignants l’un que l’autre, de Julien Doré. Ça s’appelle Normandia, ça pleure et ça chante dans le vent, sur un « nous » du temps de l’innocence, de la folie sans rémission, de la folie sans délivrance, et qui dit merci :
quand la mort nous dessine c’est avec l’encre bleue des amants !
Rien que pour cette chanson estafilade, et pour les onze autres du disque, il faut acheter L’AMOUR FOU !
Écoutez comme sont choisis et ciselés les mots et les phrases de Françoise Hardy :
Amour fou… tabou… vous resterez au grand jamais le plus brûlant de tous mes secrets… mieux valent sa geôle et sa laisse que l’air sans oxygène de leurs je t’aime sans lumière…toute une vie de feux de joie, de tas de cendres… quand je pense, je pense à vous et quand je chante, je chante pour vous… toute une vie à nous attendre, à nous combattre, à nous défendre… c’était l’enfer et le paradis… j’en rêve la nuit… mes plus beaux rêves, folies et fièvres, je vous les dois… toute une vie de petites morts, de renaissances… et nous qui nous sommes tant aimés, si mal aussi… pardon si je pars en catimini… rendez-vous dans une autre vie…
Ces douze chansons, paroles et musiques, sont une quintessence de Françoise Hardy, comme chaque disque depuis qu’elle nous enchante avec ses suaves sanglots à fleur de cordes vocales, comme si chaque disque était une osmose de nerfs à cran, de crépuscules rouge sang, d’innocence dans les cris des fous de Bassan, de cœur imbécile revendiqué, d’adolescence sublimée, de frêle voix fière sous les ciels d’orage, mais aussi de baume sur les blessures, de requiem jaspé de tous les violets, les mélos et les fluos, miel de glycine, fraîcheur de lilas, poison de colchique, comme si chaque disque était un sursis avant….
Pierre Lacroix
automne 2012