— Comme vous êtes bien bâti, Vania ! dit Sacha en se déshabillant et en regardant la silhouette nue de Vania qui se tenait encore sur le sable sec et se penchait pour prendre de l’eau afin de s’humecter la nuque et les aisselles avant de s’immerger. Vania regarda le reflet mouvant, que les ondes dispersaient à la surface de l’eau, son grand corps souple aux hanches étroites, ses jambes élancées, sa peau hâlée à force de bains et de soleil, ses boucles blondes qui avaient poussé sur son cou délicat, son visage rond qui s’était affiné avec ses grands yeux, et, après avoir souri, il entra dans l’eau froide. Sacha, court sur pattes malgré sa grande taille, le corps blanc et potelé, plongea dans un endroit profond en faisant de grandes éclaboussures.
Sur toute la berge, jusqu’à un troupeau, se trouvaient des gamins qui se baignaient, qui couraient en hurlant sur la rive et dans l’eau ; on voyait ça et là des tas de chemises rouges et de linge et, au loin, un peu plus haut, sous des saules blancs, apparaissaient également des enfants et des adolescents dont le corps rose tendre sur l’herbe vert vif tout juste fauchée rappelait les tableaux représentant le paradis dans le style de Hans Thoma. Vania, avec une joie presque voluptueuse, sentait son corps fendre l’eau froide et profonde, et l’écume sur la surface plus chaude lorsqu’il faisait de brusques revirements, tel un poisson. La fatigue arrivant, il nageait sur le dos et ne voyait plus que le ciel brillant de soleil, sans remuer les bras et ignorant la direction qu’il prenait. […]
Mikhaïl Kouzmine, Les Ailes, traduction Bernard Kreise, éditions Ombres, pp. 87-88