Renée Vivien à rebours, Études pour un centenaire, Orizons, 2009
Renée Vivien s’est éteinte le 18 novembre 1909, il y a donc un siècle. Ce qui est remarquable dans ce livre d’hommages, lorsqu’on lit les faisceaux croisés de l’ouvrage collectif sous la direction de Nicole G. Albert, c’est que l’on n’en finit pas de sonder le mystère de l’icône paradoxale que fut et que reste Renée Vivien à la frêle vie si fugace, à l’œuvre si abondante.
Après quelques pages sur la femme de lettres atypique qu’elle fut, entourée à la fois de silence et de vénération, nous dit Nicole G. Albert dans l’introduction, chaque article, soigné et documenté, nous propose d’entrer dans une galerie du labyrinthe :
Soif boulimique de l’adolescence ; extraordinaire audace de l’affirmation d’un moi saphique revendiqué jusqu’à l’inadmissible, pour une époque et un milieu faussement décorsetés ; oscillation permanente entre fierté et échec, distance et confiance à l’égard de sa propre création ; usage à rebours de la photographie pour dire un moi authentique, tantôt rêveur, tantôt serein, et surtout androgyne, un moi jamais réduit à une pose théâtrale de pacotille ; amour des « phares » littéraires qui concourent à guider sa propre affirmation, comme le Dante de la fierté et non de la soumission ; mysticisme d’aveugle sans religion révélée et qui cherche à tâtons son idéal religieux de l’amour ; va-et-vient permanent entre la réalité et la virtualité du désir, entre les femmes de désir et les femmes de douceur, entre la chair et la « décorporation » chaste ; silence et aphasie autant que profusion du verbe ; masques et mythologies multiples, homme, femme, enfant, écrivain, fantôme de tombeaux, toujours pour cerner un moi en permanente contradiction ; courage prométhéen de rendre à la féminité la place volée par l’androcentrisme et de se faire helléniste pour puiser aux sources vives de la création féminine ; pied de nez, dans les œuvres dites morbides, à tous les bien-pensants, par la revendication de la nuit, du satanisme, du vampirisme ; mélancolie de l’avant et de l’après du plaisir, en l’absence d’un maintenant heureux, incapacité de saisir le parfum d’âme de la femme, être toujours en attente ou en deuil ; mort lente de sa vie et vie étrange du pèlerinage incessant à sa tombe de Passy ; vie crépusculaire où voisinent le jour et la nuit, la mort et la vie…
Le livre propose autant d’approches, fines et poétiques dans leur style même, qui cherchent chacune à capter une nuance de ce paradoxe fait femme que fut Renée Vivien. Ce livre est aussi un gage de plaisir pour qui veut lire Vivien aujourd’hui, la dire, embrasser son exquis entrelacs d’aube et de crépuscule.
Nous n’en finissons pas, nous n’en finirons pas – et c’est une des forces de ce livre d’en témoigner – avec le mystère Vivien, la passion Vivien, l’infixable vertige des nuances du violet de Vivien. Ce livre aux facettes diverses nous montre qu’avec Vivien, comme avec tout grand auteur atypique, on ne va à rebours que pour mieux aller vers l’avant.